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Rapport spécial sur l’Iran 2021

La situation des bahá’ís en Iran

Confiscation de terres et déplacement massif des bahá’ís en Iran

Deux tribunaux iraniens ont rendu des ordonnances déclarant illégale la propriété de terres par 27 bahá’ís dans le village d’Ivel.

Des décisions récentes ont statué que toutes les propriétés appartenant aux bahá’ís dans le village d’Ivel — dont certaines leur appartiennent depuis le milieu du 19e siècle — ont été confisquées au motif que les bahá’ís ont « une idéologie perverse » et n’ont donc aucun « droit de propriété légitime » pour quelque propriété que ce soit.

Lisez le rapport qui suit

Vue d’ensemble

Fin 2020, deux tribunaux iraniens ont rendu des ordonnances déclarant illégale la propriété de terres par 27 bahá’ís dans le village d’Ivel. Les documents du tribunal indiquent que la confiscation de leurs terres est due à leurs croyances religieuses. Ces décisions font suite à des décennies de persécution contre les bahá’ís d’Ivel, des travailleurs acharnés dont les revenus sont faibles et qui n’ont pas d’autres biens et moyens de gagner leur vie que leur maison et leurs terres agricoles.

Les saisies de terres ont lieu dans le contexte de l’escalade récente des raids sur les maisons et les entreprises appartenant aux bahá’ís en Iran. Le 22 novembre 2020, plus d’une centaine d’agents du gouvernement ont opéré une descente dans les magasins et les maisons de dizaines de bahá’ís dans sept villes leur demandant notamment de leur remettre leurs titres de propriété.

Contexte

À ses débuts, Ivel constituait la résidence d’été des éleveurs de moutons de la région environnante de Mazandaran. Des bahá’ís vivaient dans ce village isolé depuis plus d’un siècle et demi. En effet, depuis les années qui ont immédiatement suivi l’établissement de la foi bahá’íe au milieu du 19e siècle en Iran, les bahá’ís composaient près de la moitié de la population d’Ivel.

Dès sa création, la communauté bahá’íe a encouragé le développement social, économique et culturel d’Ivel. En plus de leur rôle dans le domaine agricole, les bahá’ís établirent une école dans laquelle les enfants du village étaient éduqués, indépendamment de leur religion. Les bahá’ís ont également construit un bain public au bénéfice des villageois, incluant des modifications du réservoir local et des mesures de modernisation pour améliorer les niveaux d’hygiène de l’établissement.

Une histoire de persécution par l’expulsion et le déplacement

Malgré le rôle constructif que les bahá’ís ont joué dans leur village, ils ont connu une série de persécutions largement caractérisées par des expulsions et des déplacements massifs, ainsi que par la démolition et la confiscation de leurs propriétés. En 1941, par exemple, des vies furent mises en danger lorsque des bandes ont poussé les citoyens locaux à attaquer les bahá’ís. Plusieurs bahá’ís ont été arrêtés, sévèrement battus et extorqués; leurs maisons et leurs propriétés furent pillées. Finalement, ils furent exilés dans un village à sept kilomètres de là. Lorsque la situation s’est calmée quelques mois plus tard, ils purent regagner leurs maisons et fermes ancestrales.

Un autre incident s’est produit en juin 1983. Les bahá’ís furent obligés par force de quitter leurs maisons et furent transportés par bus jusqu’à Sari, la ville la plus proche. Lors de leur arrivée, les autorités les renvoyèrent à Ivel où ils furent emprisonnés dans une mosquée. Plus de 130 d’entre eux furent retenus captifs pendant trois jours, sans boire ni manger.

Les maisons des bahá’ís d’Ivel ont été incendiées par des pyromanes inconnus en mai 2007.

Depuis lors, la plupart des maisons des bahá’ís sont restées inoccupées, leurs occupants ayant fui des incidents de violence ou à la suite d’un déplacement officiel. De nombreux bahá’ís d’Ivel se sont installés non loin de là, ne retournant au village qu’en été pour planter et moissonner ainsi que pour prendre soin de leurs propriétés. Cela nécessitait une autorisation écrite de la police et du tribunal. Les bahá’ís ont été régulièrement harcelés pendant leurs courts séjours.

En 2007, six de leurs maisons ont été incendiées. En 2010, des maisons appartenant à une cinquantaine de familles bahá’íes ont été démolies et brûlées. À l’époque, les rapports indiquaient que 90 % des maisons appartenant aux bahá’ís avaient été démolies. Ces démolitions faisaient partie d’une campagne de longue haleine visant à expulser les bahá’ís de la région. L’intention de cette campagne était que les bahá’ís ne reviennent jamais à Ivel et qu’on s’approprie leurs terres.

Les bahá’ís ont, en vain, exercé des recours juridiques pendant plus de trois décennies. De nombreuses plaintes ont été déposées auprès des autorités à tous les niveaux, mais, en général, elles ont été accueillies avec indifférence. Dans tous les cas, les démolitions ou les rasions qui les sous-entendent ont été niées par les autorités locales. Dans certains cas, les verdicts ont été en faveur des bahá’ís. Cependant, les autorités prétendent qu’elles ne pouvaient pas faire grand-chose pour appliquer les décisions suite à l’opposition des résidents locaux.

Décisions de la Cour

Le 1er août 2020, la branche 54 du Tribunal spécial pour l’article 49 de la Constitution à Téhéran a émis une ordonnance finale et contraignante déterminant que la propriété des terres appartenant aux bahá’ís d’Ivel était illégale.

Le 13 octobre 2020, la branche 8 de la Cour d’appel de Mazandaran a statué contre la légitimité de la propriété des terres de 27 bahá’ís d’Ivel et a approuvé la décision en faveur du Sitád-i-Ijrá’íy-i-Farmán-i-Imám (l’exécution de l’ordre de l’Imam Khomeini, connu sous le nom d’EIKO) de vendre les terres appartenant aux bahá’ís. Suite à cet ordre, l’affaire a été classée.

Les deux juges qui ont rendu ces décisions sont : en août, M. Hassan Babai, et en octobre, M. Mohammad Sadegh Savadkouhi.

Nouvelle directive gouvernementale

En mars 2021, la Ligue pour la défense des droits de l’homme en Iran (LDDHI) et la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) ont mis à jour une directive officielle iranienne qui ordonne un « contrôle strict » des bahá’ís dans la ville voisine de Sari. Elle exige que les autorités introduisent des mesures pour « identifier les étudiants bahá’ís » afin de les « convertir à l’Islam ».

Datée du 21 septembre 2020, la directive demande un « plan détaillé » pour garantir que la communauté bahá’íe soit « rigoureusement contrôlée », y compris leurs « réunions publiques et privées » ainsi que « leurs autres activités ». Le document a été publié par la Commission des ethnies, des sectes et des religions de Sari, qui opère sous l’égide du Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, un organe présidé par le président iranien et responsable des questions de sécurité.

La police locale et provinciale, le chef du Service des renseignements de Sari, le commandant de la force paramilitaire locale Basij, le chef des ministères de l’Éducation, de l’Industrie, des Mines et du Commerce et du Patrimoine culturel, de l’Artisanat et du Tourisme, ainsi que des responsables d’écoles et d’universités, ont tous reçu cette directive.

Les organisations qui ont publié cette lettre notent que la confiscation des propriétés bahá’íes à Ivel, qui relève de l’administration de la ville de Sari, pourrait avoir été une réponse à cette directive.

La confiscation des biens comme caractéristique de la persécution religieuse

Ces développements sont les plus récents d’un schéma de confiscation de biens orchestré depuis la révolution islamique de 1979 en Iran. Depuis cette époque, des centaines de propriétés privées et commerciales appartenant aux bahá’ís ont été arbitrairement confisquées, y compris des maisons et des fermes.

Le 22 novembre 2020, plus d’une centaine d’agents du gouvernement ont opéré une descente dans les magasins et les maisons de dizaines de bahá’ís à travers l’Iran leur demandant notamment de leur remettre leurs titres de propriété. Les fouilles simultanées ont été organisées dans au moins sept villes du pays et sont intervenues à peine quelques heures après qu’un confinement national de 15 jours ait été imposé dans tout le pays afin de ralentir les infections du coronavirus.

Parmi les objets qui ont été saisis, on trouve des téléphones intelligents, des ordinateurs et des tablettes, des livres, y compris des textes bahá’ís, et d’autres articles. Plusieurs des maisons perquisitionnées appartenaient à des bahá’ís qui avaient déjà été la cible des autorités. Les bahá’ís ont également reçu l’ordre de se présenter au bureau d’enquête iranien.

Les perquisitions ont eu lieu dans la capitale Téhéran, ainsi qu’à Karaj, Ispahan, Mashhad, Kerman, Shahin-Shahr et Baharestan. Des témoins ont rapporté que les agents ont ignoré tous les protocoles sanitaires du gouvernement alors qu’ils se trouvaient chez les bahá’ís.

Documents et médias