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Balado : Le discours public

Épisode 3 : Le rôle de la religion dans l’éradication de la violence contre les femmes

Le texte suivant, qui a été édité, est basé sur une conversation entre des panélistes qui ont parlé du rôle de la religion dans l’éradication de la violence contre les femmes. La table ronde a été organisée par le Bureau des affaires publiques de la Communauté bahá’íe du Canada en partenariat avec la Southern Chiefs' Organization, le comité de coordination de Stop Violence Against Women du comté de Perth, le Centre for Israel and Jewish Affairs et le Conseil canadien des femmes musulmanes.
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La transcription qui suit a été éditée pour des raisons de brièveté et de clarté.

Voici le troisième épisode de la troisième saison du Discours public. Nous y explorons divers aspects de la vision de l’unité présentée par « Abdu’l-Bahá. Décédé il y a 100 ans, il était le fils du prophète-fondateur de la foi bahá’íe.

Un des principes de la foi bahá’íe est l’égalité fondamentale des femmes et des hommes, un thème sur lequel « Abdu’l-Bahá a souvent insisté dans ses écrits et ses discours publics.

Cet épisode du Discours public présente une conversation entre plusieurs invitées qui ont pris la parole lors d’un webinaire organisé par le Bureau des affaires publiques de la communauté bahá’íe du Canada, en partenariat avec plusieurs autres groupes de la société civile pour marquer la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Les intervenantes ont examiné le rôle de la religion dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Nous espérons que vous trouverez cette conversation intéressante.

AFSOON HOUSHIDARI (Animatrice) — Chers amis, bienvenue à cette table ronde. Je suis ravie de vous accueillir si nombreux aujourd’hui pour approfondir cette question d’actualité qu’est le rôle de la religion dans l’éradication de la violence contre les femmes.

Cette table ronde a été organisée par le Bureau des affaires publiques de la communauté bahá’íe du Canada. Quatre organisations l’ont également appuyée, soit la Southern Chiefs’  Organization, le comité de coordination Stop Violence Against Women du comté de Perth, le Centre for Israel and Jewish Affairs et le Conseil canadien des femmes musulmanes.

Je m’appelle Afsoon Houshidari et je serai votre modératrice. Je travaille comme conseillère juridique pour l’administration fédérale. J’étais antérieurement au ministère de la Justice et je suis maintenant à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Mais ces jours-ci, j’ai le privilège d’être une mère à temps plein pour notre petite fille de 12 mois.

La pandémie a eu une portée considérable sur nos vies, mais l’une de ses heureuses conséquences est que nous pouvons tous nous rassembler depuis divers endroits. J’aimerais mentionner le territoire où je me trouve aujourd’hui, les terres et le territoire du traité des Mississaugas de Credit, en particulier les Anishinaabek, les Hurons-Wendat, les Haudenosaunee et les Ojibwe Chippewa. Je leur suis reconnaissante de pouvoir vous accueillir sur ce territoire.

Le mot religion vient du latin « religio », qui signifie relier, connecter. Cet après-midi, nous examinerons donc comment ce lien entre les personnes, entre les hommes et les femmes, entre l’humain et le divin, peut contribuer à éradiquer l’un des plus grands maux de la société actuelle : la violence envers les femmes.

L’élimination de cette grande injustice ne peut être réalisée uniquement par des changements de loi et de politique. Ces éléments sont eux-mêmes influencés par les cultures, les attitudes et les croyances des personnes qui, ensemble, forment notre société. Et c’est la religion qui influence si fortement ces attitudes et ces comportements pour tant de personnes. Aujourd’hui, grâce aux idées de nos distinguées panélistes, nous allons approfondir les questions suivantes.

Guidées par la conviction que l’égalité des hommes et des femmes n’est pas seulement une condition sociale souhaitable, mais aussi une vérité spirituelle, comment les communautés confessionnelles peuvent-elles contribuer à repenser les causes sous-jacentes de la violence contre les femmes ? De même, que peuvent faire les communautés confessionnelles pour être des agents de changement lorsqu’il s’agit d’éradiquer la violence ? Et enfin, comment les communautés confessionnelles peuvent-elles promouvoir des approches de la cellule familiale dans le cadre desquelles les hommes et les femmes travaillent en tant que partenaires égaux ?

Ces questions seront examinées par quatre panélistes, chacune d’entre elles possède de vastes connaissances et expériences. Il s’agit du rabbin Debra Landsberg du Temple Emanu-El et membre de l’équipe exécutive du Caucus rabbinique canadien ; de Nuzhat Jafri, directrice générale du Conseil canadien des femmes musulmanes ; de Thea Symonds, coordonnatrice du comité de coordination de Stop Violence Against Women ; et de Jennifer Moore Rattray, directrice de l’exploitation de la Southern Chiefs’ Organization, après avoir été directrice exécutive de l’historique Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Un dernier mot avant de céder la parole aux intervenantes, et c’est le suivant. Le moment où a lieu notre réunion est de bon augure. Nous sommes ici à la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, un jour où les populations du monde portent leur attention sur cette cause importante. Notre rencontre se déroule également à quelques jours du 100e anniversaire du décès de ‘Abdu’l-Bahá, le fils du prophète fondateur de la foi bahá’íe.

La vie de ‘Abdu’l-Bahá a été consacrée au principe de l’unicité de l’humanité, dont un élément indispensable est l’égalité des sexes. Lorsque ‘Abdu’l-Bahá était à Montréal en 1912, il a parlé de cette égalité et du fait que ce n’est que lorsque les hommes et les femmes auront des droits et des chances égaux que l’humanité atteindra la félicité et la paix véritables.

Et maintenant, je vais passer la parole à nos intervenantes, qui vont chacune nous faire part de leurs réflexions pendant environ cinq à sept minutes.

Sans plus attendre, j’invite notre première intervenante, le rabbin Debra Landsberg, à prendre la parole.

RABBIN DEBRA LANDSBERG — Avant de commencer, je tiens à vous remercier. C’est à la fois un honneur d’être ici… Je ne peux pas dire que c’est un plaisir entier parce que je préférerais que nous n’ayons pas à nous rassembler pour cette cause.

Je veux donc commencer par une vue d’ensemble, de mon point de vue. Il y a une histoire rabbinique que le peuple juif a dans sa tradition sur Dieu cherchant à créer l’humanité et les anges se disputant sur l’opportunité de créer l’humanité. Et l’ange de la bonté dit : « Oui. Les humains seront gentils. » Mais l’ange de la vérité dit : « Non. Les humains vont mentir. » L’ange de la justice dit : « Les humains seront justes. » Mais l’ange de la paix dit : « Non. Les humains créeront de tels conflits. »

Je veux d’abord admettre que notre humanité est de nature complexe et désordonnée, et que nos traditions religieuses, aussi diverses soient-elles, nous appellent tous à agir selon le meilleur de nous-mêmes. 

Et je veux aussi commencer par l’idée générale que nos traditions exercent un tel pouvoir dans nos communautés pour façonner fondamentalement ce que nous croyons, et notre façon de penser et d’agir ; parce que je crois que, pour la plupart d’entre nous, c’est dans le cadre de nos communautés confessionnelles, de nos traditions, et de nos enseignements, que nous comprenons notre place et notre rôle dans le monde.

Il est donc essentiel, alors que nous examinons cette question, de commencer ici cette conversation. Et je veux aussi commencer par admettre la réalité de la violence contre les femmes.

Je vais commencer par la communauté juive. Je pense que cela peut être particulièrement difficile à admettre dans une communauté minoritaire — qui ne veut pas se montrer sous un mauvais jour, qui s’inquiète de ce qu’on pense d’elle — d’admettre qu’il s’agit d’une réalité dans la vie d’un trop grand nombre de personnes ; dans ma communauté, à tout le moins.

Alors, comment nos traditions peuvent-elles contribuer à nous façonner ? Je pense qu’il y a tellement d’aspects à cela. Et ce que nous croyons est tellement basé sur les sources vers lesquelles nous choisissons de nous tourner. Dans la tradition dont je suis issue, par exemple, il y a des sources que je peux élever, et d’autres que je peux laisser de côté ou mettre de côté. L’histoire même de la création de l’humanité, d’Adam et d’Ève, a été comprise il y a plus de mille ans par ceux qui disaient qu’Ève n’avait pas été créée pour aider Adam, mais que l’humanité, en nous, avait été créée sous la forme d’un être presque hermaphrodite, mâle et femelle, une créature égale, et que la création l’a divisée.

Et pourquoi est-ce que je mentionne cela ? Nos textes façonnent notre perspective sur la question, et la recherche de textes qui nous donnent la possibilité de regarder différemment le rôle et la relation entre les hommes, les femmes, le genre, et tout cela. Nous avons des textes douloureux qui font mal, et puis nous avons des textes qui peuvent être sentis comme tellement libérateurs et que nous choisissons de diffuser dans nos communautés et d’enseigner.

Et ce que nous pensons de la question de la violence à l’égard des femmes — et plus encore, si nous y pensons tout court — je pense que c’est l’un des rôles clés des communautés confessionnelles. Parce que soit nous en parlons comme d’une question vitale pour nos communautés et notre santé communautaire — sans parler de notre santé individuelle — soit nous gardons le silence à ce sujet.

Et je suppose que je veux aussi dire que le fait que seules les femmes en parlent, ou que nous tous, toutes les identités au sein de notre communauté, en parlons, a une portée sur la façon dont nous le comprenons, sur ce que nous en pensons ; si cela est vital, si cela est trivial, si cela est juste une question de femmes.

Je sais que la question qui se pose au sein de la communauté juive est de savoir comment réagir lorsque nous savons que cela existe. Et il y a des questions publiques. La communauté doit-elle rendre honneur à des personnes que nous connaissons et qui commettent des actes de violence dans leur vie privée, à la maison ? Utilisons-nous nos ressources de la communauté pour financer des groupes et apporter le soutien nécessaire à ceux qui ont besoin d’échapper à la violence, à ceux qui ont besoin d’apprendre d’autres moyens que la violence ? Nous permettons aux gens de faire des changements sans honte parce que je pense que nous savons que dans notre collectivité en général il est si difficile de trouver du soutien. Et je pense que, en tant que communauté, nous avons l’obligation d’assumer cela et de ne pas le confier uniquement au gouvernement laïc qui nous entoure, nous devons comprendre qu’il s’agit de quelque chose dont nous voulons parler dans notre propre langue et notre propre contexte.

AFSOON — Merci beaucoup Rabbin Debra Landsberg pour vos commentaires. Ils soulignent vraiment l’humilité et l’ouverture que nous devons avoir dans cette conversation pour faire face à ces questions, en particulier au sein de notre propre communauté. Je voudrais maintenant donner la parole à notre prochaine intervenante, Nuzhat Jafri, du Conseil canadien des femmes musulmanes.

NUZHAT JAFRI — Merci beaucoup de nous avoir invités à participer à cette discussion aujourd’hui. C’est à la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes que nous nous réunissons pour aborder ce sujet. Et comme le disait le rabbin Landsberg, notre foi est également basée sur les principes d’égalité entre les hommes et les femmes et le principe de justice.

Ainsi, dans l’Islam, agir avec justice envers tous est une prémisse de nos vies et ce qui est intéressant est que chaque fois que Dieu s’adresse à ses créatures, il s’adresse toujours à des hommes croyants et à des femmes croyantes ; des hommes et des femmes. Il y a donc cette sorte d’équilibre qui fait qu’il ne s’adresse pas seulement aux hommes pour certaines choses, mais aussi aux croyants hommes et femmes. Et la seule chose que Dieu dit, qui le distingue de — en fait, qui distingue un être humain d’un autre — est leur droiture et leur croyance en lui.

Il est intéressant de noter que le principe de base est l’égalité et la justice, mais malheureusement, à l’instar de nombreuses traditions religieuses — et de nombreuses autres communautés non religieuses également, car, comme nous le savons, la violence à l’égard des femmes et des filles ne se produit pas seulement dans des communautés particulières, elle est omniprésente dans notre société — nous avons constaté que lorsque nous abordons ce sujet, nous pensons qu’il est très important que l’ensemble de la communauté participe aux discussions sur le sujet, afin de prévenir le problème et de l’éradiquer. Et je vais vous donner un exemple de ce que nous avons fait pour y parvenir.

Nous avons donc entrepris un projet visant à encourager les hommes et les garçons à mettre fin à la violence au sein de la famille. Et comme pour tous les projets du CCFM — le Conseil canadien des femmes musulmanes — nous commençons par une perspective islamique de la question, puis nous passons à des considérations de politique juridique, de programmes et de services pour aider les femmes à faire face à des situations particulières ou les décideurs à y faire face, et ainsi de suite.

Ainsi, dans le cadre de notre projet visant à obtenir la participation des hommes et des garçons, nous avons financé des recherches par deux érudits islamiques — la professeure Ayesha Chaudhry et le professeur Rumee Ahmed de l’UBC — et nous avons publié le document qui en a résulté ; il s’intitule Islamic Perspective on Engaging Men and Boys to End Violence in the Family.

Il est intéressant de noter que le principe de base est l’égalité et la justice, mais malheureusement, à l’instar de nombreuses traditions religieuses — et de nombreuses autres communautés non religieuses également, car, comme nous le savons, la violence à l’égard des femmes et des filles ne se produit pas seulement dans des communautés particulières, elle est omniprésente dans notre société — nous avons constaté que lorsque nous abordons ce sujet, nous pensons qu’il est très important d’impliquer l’ensemble de la communauté dans des discussions sur le sujet afin de prévenir et d’éradiquer le problème. Et je vais vous donner un exemple de ce que nous avons fait pour y parvenir.

Nous avons donc entrepris un projet visant à inciter les hommes et les garçons à mettre fin à la violence au sein de la famille. Et comme pour tous les projets du CCFM — le Conseil canadien des femmes musulmanes — nous commençons par une perspective islamique de la question, puis nous passons à des considérations de politique juridique, de programmes et de services pour aider les femmes à faire face à des situations particulières ou les décideurs à y faire face, et ainsi de suite.

 Il y a beaucoup d’autres outils qui ont été développés pour cela, mais c’est une question que nous traitons depuis nos débuts.

Quoi qu’il en soit, je sais que j’ai probablement pris plus de temps que j’aurais dû, mais il y a encore beaucoup de choses à dire, alors je laisse la parole à l’intervenante suivante, et nous y reviendrons ensuite si vous avez des questions. Merci.

AFSOON — Merci beaucoup, Mme Jafri pour vos commentaires soulignant l’importance de l’inclusion et de l’engagement des hommes et des garçons dans nos communautés afin d’atteindre notre objectif, l’éradication de la violence à l’égard des femmes ; que ce n’est pas seulement un problème de femmes ou une chose que les femmes seules doivent aborder. Je vous remercie pour vos commentaires soulignant ce point.

J’aimerais céder la parole à notre prochaine intervenante, Mme Thea Symonds, qui est la coordinatrice du comité de coordination de Stop Violence Against Women. Thea, je vous en prie. Merci.

THEA SYMONDS — Merci, je veux aussi dire que je suis très honorée et heureuse d’être ici avec vous tous. Je tiens également à préciser que je ne parle pas au nom d’une organisation avec laquelle je travaille ou de la communauté bahá’íe. Je viens plutôt d’un cadre féministe, antioppressif et antiraciste, issu de mon éducation et de mon expérience de travail dans le secteur de la violence contre les femmes, qui est aussi en harmonie, de façon concrète et idéaliste, avec mes croyances dans les principes de l’unité de l’humanité et de l’égalité des sexes, qui sont directement inspirés de la foi bahá’íe.

Ce que je voulais dire sur cette question, c’est que lorsque les normes et les priorités de la société se détournent du développement des vertus, et lorsque les vertus spirituelles ne font pas partie de notre discours habituel, il peut devenir plus difficile de jeter les bases d’attitudes qui défendent les droits de tous les membres de la société. Car ce qui se passe, c’est que ceux qui sont capables de s’assimiler aux normes de cette société, y compris par la coercition et la domination, sont plus valorisés que ceux qui en sont incapables. Et souvent, ces personnes, les femmes, sont traitées comme des faibles ou des objets, ce qui les prive du respect que chacun mérite.

Et nous savons que pour prévenir la violence à l’égard des femmes, nous devons d’abord examiner les causes sous-jacentes de cette violence. Nous ne pouvons pas nous contenter de considérer les actes de violence ou les effets, qui sont évidents, mais plutôt les conceptions sous-jacentes du pouvoir en ce qui concerne l’identité sexuelle, les désavantages systémiques et les modèles culturels imposés aux femmes et aux filles, qui les exposent à un plus grand risque de subir de la violence dans leur vie.

La perpétuation de cette violence contre n’importe quel groupe de notre société est le résultat d’une maladie plus vaste, à savoir un manque de valeurs spirituelles — la violence contre les femmes est le symptôme d’une société qui manque de valeurs spirituelles. Ce mal social ne sera pas résolu en se contentant de soutenir toutes les survivantes ou d’héberger toutes les personnes touchées et d’exclure ceux qui ont perpétué la violence. Nous devons affronter ce mal social et redessiner notre tissu social pour qu’il soit propice à la réduction de cette violence et au renforcement des mesures de prévention et de protection des femmes. Nous devons construire des structures d’intégration durables qui peuvent à la fois protéger les femmes de la violence et éliminer les conditions qui ont permis à cette violence de perdurer. Pour ce faire, il faut changer le cœur et l’esprit des personnes qui vivent dans les structures de la société, y travaillent et les développent.

Dans la foi bahá’íe, nous considérons qu’aux yeux de Dieu la valeur essentielle des femmes et des hommes est la même. Car les seules différences au niveau des réalisations et des aptitudes entre les sexes au cours de l’histoire ont été le produit d’une oppression continue et d’un déni de possibilités. Ainsi, lorsque les communautés confessionnelles se concentrent sur le renforcement de cette valeur spirituelle et morale dès le plus jeune âge, et qu’elles peuvent encourager les gens à toutes les étapes de la vie à laisser leur nature supérieure — leur moi supérieur, leur boussole morale — les guider, plutôt que de laisser leur nature inférieure, qui peut les conduire à des actes malsains d’avidité, de pouvoir et de contrôle, alors une base du caractère sera renforcée et les gens choisiront de se traiter de manière égale et équitable, avec gentillesse, compassion et respect.

AFSOON — Merci beaucoup Thea Symonds pour ces commentaires perspicaces sur les causes sous-jacentes de la violence contre les femmes et sur la façon dont nous pouvons redessiner notre tissu social pour mettre davantage l’accent sur les valeurs spirituelles qui peuvent aider à minimiser ces causes sous-jacentes. Merci beaucoup.

Sur ce, je laisse la parole à notre dernière intervenante pour cette discussion, Mme Jennifer Moore Rattray, directrice des opérations de la Southern Chiefs' Organization. Jennifer, s’il vous plaît.

JENNIFER MOORE RATTRAY — Merci beaucoup à Afsoon et merci beaucoup à mes extraordinaires co-panélistes qui me donnent beaucoup de matière à réflexion. Je leur en suis très reconnaissante.

Je suis vraiment heureuse d’être avec vous aujourd’hui. Je désire rappeler que je suis ici sur le territoire du Traité 1, au cœur de la nation métisse à Winnipeg, au Manitoba — donc au centre de l’île de la Tortue — et que, où que vous soyez virtuellement, nous sommes tous réunis sur une terre sacrée. 

Je suis une citoyenne très fière de la nation crie de Beardy et d’Okemasis, en Saskatchewan, et j’ai des racines dans le nord du Manitoba. Et je suis également, comme on l’a mentionné, très fière d’être directrice des opérations de la Southern Chiefs' Organization. Nous représentons 34 nations Anishinaabe et Dakota dans ce qui est maintenant le sud du Manitoba, et c’est vraiment une joie de faire le travail que je fais.

J’ai également eu l’honneur, comme on l’a mentionné, d’être l’ancienne directrice exécutive de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pendant les 14 derniers mois de l’enquête. C’était un réel honneur.

On nous a demandé de parler aujourd’hui du rôle de la religion dans l’éradication de la violence contre les femmes, et je pense que le mot religion est vraiment intéressant pour une femme appartenant aux Premières Nations. De nombreux membres des Premières Nations suivent des voies traditionnelles qui ne peuvent être définies comme une religion à proprement parler. Pour beaucoup d’entre nous, le sacré est présent dans tout ce que nous faisons chaque jour, et nous nous connectons à notre créateur en faisant de la purification avec l’un des remèdes sacrés, comme le tabac, la sauge, le cèdre et le foin d’odeur. Ce sont quatre de nos remèdes les plus sacrés. C’est ainsi que nous nous connectons au Créateur, et vraiment, dans chaque interaction que nous avons au cours de la journée. Beaucoup d’entre nous participent également à une hutte à sudation et à d’autres cérémonies, selon leur origine, qu’ils soient Anishinaabe, Dakota, Cri, Dene, Mi'kmaq, Blackfoot ou autre.

Bien sûr, certains membres des Premières Nations se sont convertis au christianisme et à toutes les autres grandes religions du monde. Un certain nombre de personnes des Premières Nations apprécient sans aucun doute à la fois certains éléments des approches traditionnelles et du christianisme, par exemple, et mélangent les deux.

Je pense que la réponse simple à la question du rôle de la religion dans l’éradication de la violence contre les femmes est que nous avons tous une responsabilité. Mais je dirais en particulier que les communautés confessionnelles devraient admettre et proclamer que chaque être humain est sacré, et que la violence est contre tout ce qui est sacré.

Il est donc vrai que l’éradication de la violence à l’égard des femmes exige non seulement des changements dans les lois et les politiques, mais aussi, plus fondamentalement, des changements au niveau de la culture, des attitudes et des croyances. La Southern Chiefs' Organization reconnaît que toutes les femmes et les filles indigènes sont sacrées. Elles sont des mères, des filles, des sœurs, des cousines, des tantes, des grands-mères, des petites-filles, des épouses, des partenaires, des amies et des leaders.

Traditionnellement, les femmes étaient valorisées dans nos communautés. Pourtant, aujourd’hui, en raison de la colonisation, du racisme et de la discrimination sexuelle, les femmes des Premières Nations sont confrontées de manière disproportionnée à des formes de violence sexistes, tragiques et potentiellement mortelles. Personne ne sait avec certitude combien de femmes et de filles autochtones ont été assassinées ou ont disparu au Canada. On estime qu’il y en a entre trois et quatre mille. Je soupçonne que ce chiffre est beaucoup plus élevé. Et si nous parlons de violence, ces chiffres augmentent évidemment de façon exponentielle. Nous savons que les femmes et les filles autochtones ne représentent que 4 % de la population et qu’elles sont, de manière disproportionnée, plus susceptibles d’être assassinées ou de disparaître que n’importe quelle autre femme au Canada. Le simple fait d’être autochtone et de sexe féminin constitue donc un risque en soi.

 Pour les Premières Nations, il ne s’agit pas tant d’une nouvelle culture et du développement d’une nouvelle culture ensemble, mais plutôt du retour à notre culture, à nos langues et à nos traditions que beaucoup d’entre nous ont perdues à cause du système des pensionnats au cours d’un processus qui a duré 150 ans. Il s’agit de revenir à une époque où les femmes étaient respectées, où elles occupaient des postes de pouvoir et où, en tant que donneuses de vie, elles étaient des leaders et prenaient des décisions dans le meilleur intérêt de nos communautés.

Alors comment les communautés confessionnelles peuvent-elles contribuer à repenser les causes sous-jacentes de la violence à l’égard des femmes, et que peuvent faire les communautés confessionnelles pour être des agents de changement à cet égard ? Eh bien, pour de nombreuses personnes, leur communauté confessionnelle est un lieu de force, un lieu de recherche, et aussi un lieu de réflexion et d’autoréflexion ; un lieu de l’esprit. Il peut donc s’agir, et je pense qu’il doit s’agir, d’un lieu sûr pour les chefs religieux et spirituels, où ils peuvent entamer ces discussions difficiles avec l’ensemble de leur congrégation ou de leur population, mais aussi spécifiquement avec les hommes qui sont principalement et statistiquement les auteurs de la violence.

Nous avons tous entendu l’expression « les gens blessés blessent les gens », et souvent, les auteurs masculins ont eux-mêmes été victimes de violence. C’est certainement le cas dans ma communauté. Pour être très claire, ce comportement ne doit jamais être toléré, mais il doit être abordé. Nous devons offrir aux hommes des lieux de guérison et leur permettre de comprendre que leur masculinité ne dépend pas du contrôle et de la violence.

Je sais qu’ici, au Manitoba, du temps où j’étais sous-ministre provinciale adjointe, il y avait, je crois, deux ou trois programmes au total, et un seul, à ma connaissance, qui n’avait pas de liste d’attente pour les hommes qui ne veulent pas faire de mal, ou qui veulent apprendre à ne pas faire de mal à leur conjointe ou partenaire. Et le Manitoba n’est pas l’exception. En tant que société, nous trouvons ce qui nous tient à cœur, nous trouvons ce à quoi nous accordons la priorité. Je pense que nous devons donner la priorité à cette question.

Nous entendons souvent parler du besoin d’un plus grand nombre de refuges et de maisons traditionnelles et de programmes pour les femmes qui veulent échapper à la violence — ce qui est très important et nous le défendons continuellement et fermement — mais il y a aussi un énorme besoin au Manitoba et dans tout le Canada, mais en même temps, nous devons aussi offrir ces programmes et ce soutien aux hommes qui veulent changer mais ne savent pas comment.

Lors de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, on nous a demandé d’examiner les mêmes questions que celles dont nous parlons aujourd’hui. Vous savez, quelle est la cause profonde de la violence et quelles sont les solutions ? Au cours d’un processus qui a duré deux ans et demi, des membres de la famille et des survivants ont présenté leurs vérités ; des experts et des gardiens du savoir ont témoigné ; nous avons reçu littéralement des milliers de recommandations de la part des parties concernées. Et encore une fois, que nous ont disent tous ces témoignages ? Eh bien, que la violence est fondamentalement ancrée en raison de la colonisation qui se poursuit dans nos systèmes et structures au Canada, dans nos systèmes et structures religieux au Canada, et dans la société canadienne en général.

Le rapport final de la Commission d’enquête nationale est un véritable miroir pour le Canada, et notre rapport contient plus de 230 appels à la justice, que nous avons réunis dans cette petite brochure utile pour tout le monde. Mais si l’Enquête nationale portait bien sûr précisément sur la violence disproportionnée à l’égard des Premières Nations, des Métis, des Inuits, des femmes, des filles et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+ 2S, ses recommandations feront du Canada un endroit plus sûr pour toutes les femmes et toutes les filles.

En conclusion, je continue de prier pour que cette tragédie nationale prenne fin, pour que toutes les femmes et toutes les filles soient en sécurité et pour que nous puissions faire du Canada le pays qu’il devait être. Nous avons tous un rôle à jouer, en particulier les groupes confessionnels, en nous rassemblant comme nous le faisons aujourd’hui, en remettant en question le statu quo. Levons-nous, dénonçons la violence partout et à chaque fois que nous en sommes témoins. Plaidons ensemble pour créer les programmes, les services et les soutiens nécessaires. Nous avons tous droit à la sécurité et à la dignité humaine. Je remercie donc toutes mes relations. 

AFSOON — Merci beaucoup Jennifer Moore Rattray pour vos commentaires et pour avoir vraiment souligné la position unique des femmes et des filles autochtones dans ce pays, et les défis auxquels elles sont confrontées en termes de violence contre cette moitié de la population, mais aussi contre cette petite minorité qui est touchée de manière disproportionnée.

Merci beaucoup pour tous vos commentaires, à toutes les panélistes. C’est maintenant l’occasion pour tous les participants de poser toutes les questions qu’ils souhaitent poser à nos panélistes. Certaines questions ont déjà été posées, alors en attendant d’en recevoir d’autres, car les gens sont les bienvenus pour poser leurs questions, nous allons commencer par celles que nous avons déjà.

Quelques-unes d’entre elles traitent du patriarcat et du rôle historique qu’il a joué dans la position dans laquelle nous nous trouvons en termes de prévalence de la violence contre les femmes. Je me demande si l’une des panélistes a un commentaire à faire sur la façon dont nous voyons le patriarcat comme l’une des causes sous-jacentes de la violence à l’égard des femmes, et ce que nous pouvons faire à ce sujet. Que ce soit par le biais de nos communautés confessionnelles individuellement, ou de communautés confessionnelles travaillant les unes avec les autres, ou en considérant la position de la société dans son ensemble. Je laisse la parole à toutes les panélistes qui souhaitent intervenir.

JENNIFER — Nous sommes toutes si polies. Je vais être très brève. Je vais juste dire très rapidement que je pense que le patriarcat est quelque chose qui était vraiment inhérent à la culture européenne occidentale, et donc avec la colonisation au cours des cinq cents dernières années, le patriarcat a été exporté dans le monde entier, sur tous les continents du monde. Je suis donc tout à fait d’accord pour dire que le patriarcat est en grande partie à l’origine du problème. Je pense que, à cause de cela, nous devons vraiment nous décoloniser. Je pense vraiment que, à cause de cela, nous devons nous interroger. Et vraiment, en tant que personnes racisées, en tant qu’autochtones, nous devons réclamer nos modes d’existence traditionnels qui n’impliquent pas le patriarcat. Je vais en rester là avec mon bref commentaire.

NUZHAT — Je peux prendre la parole ? Je suis d’accord avec Jennifer pour dire que l’infusion du patriarcat, et je dirais même de la misogynie, est venue de la colonisation. Parce que vous savez, certaines des plus anciennes histoires sur le Prophète indiquent qu’il était inclusif. Il permettait aux femmes de diriger les prières. Il y a une histoire très célèbre sur quelqu’un qui a été invité à diriger les prières. Tout le monde pense que seul un homme peut le faire, par exemple.

Et je ne sais pas si vous le savez, mais la première université créée dans le monde musulman, une fois que les musulmans étaient présents, a en fait été créée par une femme. Il y a donc une tradition d’acquisition des connaissances. Il y a une tradition d’équité et de partage des responsabilités. Et si, à l’origine, dans l’Islam, les rôles étaient complémentaires, dans le contexte actuel, ils sont égaux ; ils fournissent différents types de soutien à la famille. Mais tout a commencé par la définition de certains rôles, qui n’étaient ni inférieurs ni supérieurs, mais spécifiques et basés sur toutes sortes de choses, dont l’anatomie. Je pense donc qu’il est vraiment intéressant de voir comment ces concepts ont pris le dessus sur notre psyché aujourd’hui de sorte que nous croyons que les hommes seuls peuvent diriger les choses, ou que les hommes sont ceux qui résolvent les problèmes et qui s’occupent des familles. Et c’est vrai dans toutes les communautés, pas seulement la nôtre.

DEBRA — Et si j’ai aussi la possibilité de parler de ça, je veux honorer et reconnaître, et j’apprécie, la façon dont cela a été dit – la question du patriarcat jusqu’à présent. Et je veux aussi dire qu’en tant que juive, mon cœur s’emballe parce qu’il y a une tradition au sein du féminisme chrétien dans les années 70 et 80 qui tient le peuple juif responsable du patriarcat dans la grande optique religieuse. Quand Dieu, quand le Dieu masculin, a tué les déesses. Et il y a, de mon point de vue, une grande possibilité de… Ou j’ai fait l’expérience de l’animosité anti-juive qui peut se manifester dans le langage religieux autour du patriarcat. Et ce n’est pas ce que j’ai entendu de la part de mes co-panélistes. Je suis reconnaissante de cette différence, mais j’ai également ressenti le besoin de le dire, parce que la question du langage que nous utilisons pour décrire notre compréhension de la source de la vie est variée au sein des traditions, sans parler des différentes traditions. Et ce langage autour du patriarcat dans la tradition juive, lorsqu’il s’agit de théologie, est un langage qui a été jeté à la figure des juifs, des féministes juives, d’une manière que je voulais souligner.

AFSOON — Thea, je vous en prie.

THEA — Merci. Je voulais juste contribuer à cette même [idée]. Comme nous le savons tous, dans de nombreuses sociétés, on enseigne aux garçons que, dans un sens, les filles doivent être soumises, mais en même temps, le pouvoir d’expression que les femmes ont cultivé en matière d’émotions n’a pas été inculqué aux garçons et aux hommes. Il en résulte cette fausse dichotomie qui consiste à croire que la violence est un outil utile et acceptable pour obtenir le résultat souhaité. Mais lorsque les filles ont la possibilité de recevoir une éducation et de développer leur confiance en elles, leurs capacités sont renforcées et elles leur permettent de contribuer plus efficacement à leur société ; et lorsque, d’un autre côté, les garçons voient cela, lorsque les garçons voient les filles s’éduquer, être incluses, progresser, ils voient aussi comment les filles sont valorisées dans cette communauté. Et cela peut se produire aussi bien dans une famille que dans une communauté confessionnelle.

Ils commencent donc à donner l’exemple en montrant comment ces filles sont respectées, responsabilisées et estimées. Je pense donc que c’est là que les villages et les communautés confessionnelles ont un rôle vital à jouer en fournissant cette éducation spirituelle qui s’aligne sur l’égalité des femmes et des hommes, et sur la moralité inhérente latente à chaque personne, qu’ils ont un rôle important à jouer en étant cet exemple vers lequel les gens se tournent lorsqu’ils structurent leurs familles et leurs sociétés. Surtout lorsque, tout autour de nous, on trouve ces modèles de maux sociaux et les aspects d’une société en désintégration, y compris le patriarcat. Ces communautés confessionnelles peuvent être un pilier de force, illustrant ce qu’une communauté exempte de violence sexiste et alignée à son cœur sur l’unité et l’égalité peut faire. Merci.

AFSOON — Merci beaucoup. Nous avons une autre question qui porte sur ce qu’est une meilleure pratique concrète. Il y en a tellement, et les panélistes ont fait de nombreuses suggestions à partir des commentaires initiaux du rabbin sur le courage et l’humilité qu’il faut avoir pour soulever ces questions au sein de nos propres communautés afin d’apporter sans honte des changements ; mais aussi en termes de choses vraiment concrètes comme la polygamie ou le divorce, comment traiter ces questions afin de ne pas perpétuer la violence ; Jennifer parle également des leaders qui lancent ces conversations difficiles, et bien sûr, parmi les 230 appels à l’action — je suis sûre qu’il y en a beaucoup qui sont concrets et qui traitent de ce sujet — mais je vais donner aux panélistes la tâche très difficile de choisir une pratique supérieure que nous pourrions mettre en valeur.

Peut-être que chacune d’entre vous, si cela est possible, peut en proposer une, et je pense que cela nous amènera vers la fin de notre table ronde. J’espère que j’en ai suffisamment parlé pour vous laisser un moment pour réfléchir à votre meilleure pratique et je vais laisser la parole à celle qui veut commencer.

JENNIFER — Je peux parler maintenant. Je peux commencer. Et je pense que la meilleure pratique — une pratique fondamentale dans notre communauté qui, vraiment, la communauté des Premières Nations, ma communauté a vécu tellement de traumatismes avec les pensionnats ; avec les écoles de jour ; le scoop des années 60 ; le système des SEF, le système des services à l’enfance et à la famille, qui est devenu le nouveau pensionnat en matière d’impact. Je pense donc que la chose la plus curative que j’ai vue, ou la meilleure pratique qui est vraiment à la base de tout le reste, est, pour bien des gens dans ma communauté, le retour à la nature, le retour à la terre, le retour aux pratiques traditionnelles, le retour aux endroits qui nous guérissent.

Et vous savez, la science commence tout juste à admettre tout cela, mais le pouvoir de guérison de la proximité de l’eau, le pouvoir de guérison de la terre, le pouvoir de guérison des arbres, le pouvoir de guérison de la nature, et je pense — cela peut sembler simpliste — et je sais que j’ai parlé des programmes et des services dont je pense que nous avions besoin. Il y a des idées incroyables sur les groupes de femmes multiconfessionnels qui travaillent ensemble, ce que j’adore. Mais je pense qu’au fond, chacun d’entre nous est aussi bon que son propre niveau de guérison, et chacun d’entre nous, et dans chacune de nos communautés, a vécu des choses horribles. Vous savez, je vais m’arrêter là. Des difficultés incroyablement horribles.

Je pense donc que pour maintenir notre santé, notre santé spirituelle, et pour que nous soyons capables, en tant que communautés, d’évoluer vers un monde où il n’y a pas de violence, il faut guérir. Et donc pour moi, cela veut dire retourner à la terre et à la nature. Je vous tends toutes les mains aujourd’hui, et à tous ceux qui sont avec nous virtuellement.

AFSOON — Merci. C’est très profond en effet ; simple mais profond. Et Thea, vous désiriez intervenir.

THEA — Oui, merci. Donc, comme nous le savons, pour éradiquer la violence contre les femmes, beaucoup de choses sont nécessaires. Par exemple, les services communautaires et sociaux doivent s’élargir pour inclure des approches holistiques pour soutenir les familles qui subissent la violence et la perpétuent, le système judiciaire doit évoluer, les voix des survivants et des personnes ayant une expérience de la violence doivent être incluses et intégrées dans ce travail de prévention, et la collaboration entre ces systèmes doit être mise en œuvre à tous les niveaux — il y a tellement de choses que je pourrais continuer longtemps, mais je pense que ce qui est vraiment nécessaire pour faire une différence dans n’importe lequel de ces points de vue, c’est le caractère des personnes qui déploient ces efforts. Et c’est là, encore une fois, que les communautés confessionnelles peuvent être des agents de changement, en aidant à renforcer et à bâtir des sociétés exemptes de violence sexiste, en changeant la façon dont les gens se voient et se traitent les uns les autres.

Nos croyances et nos religions peuvent donc nous relier à ce but dans la vie et nous aider à cerner qui nous sommes vraiment en tant qu’êtres moraux et spirituels. Et d’après la foi bahá’íe, nous savons que l’éducation a la capacité de transformer les gens, ce qui peut réellement élever l’humanité. Donc, si nous savons que les sexes sont intrinsèquement égaux et que nous avons cette idée de l’égalité des sexes qui s’aligne également sur le principe de l’unicité de l’humanité, alors ces communautés confessionnelles peuvent vraiment aider les gens à s’informer sur les problèmes qui entravent l’égalité des femmes et des hommes, y compris les rôles stéréotypés des sexes et l’acceptation de la violence comme forme de résolution des conflits, et à apprendre quelles sont les conditions qui contribueront réellement à l’égalité des sexes. Et grâce à ces connaissances, nous pouvons renforcer notre capacité, à la fois individuellement et en tant que communauté, à répondre à la violence envers les femmes.

AFSOON — Merci Thea d’avoir vraiment souligné le rôle des communautés confessionnelles dans l’éducation de ceux qui font partie de nos communautés et ceux qui n’en font pas partie ; l’impact de l’éducation dans la transformation des attitudes, des croyances, des modes de pensée, ne peut vraiment pas être surestimé. Quelqu’un d’autre veut-il intervenir ? Bon, il nous reste une minute.

NUZHAT — Je vais être brève. Dans mes premières remarques, j’ai parlé de l’engagement des hommes et des garçons pour mettre fin à la violence au sein de la famille ou à la violence sexiste ; c’est essentiel. Les hommes et les garçons sont des alliés. Traitez-les comme des alliés. Vous savez, sachant que la plupart des congrégations sont dirigées par des hommes, les imams, parlez-leur, invitez-les à vos activités, éduquez-les sur ces questions. Et un des moyens les plus efficaces est que les femmes racontent leurs propres histoires sur ce qui leur est arrivé. Et lorsqu’ils les entendent, ils s’y identifient de manière très humaine, ils comprennent, font preuve d’empathie et veulent faire quelque chose. Traitez donc les hommes, les garçons et nos chefs religieux ou spirituels comme des alliés.

DEBRA— Laissez-moi juste dire oui !

AFSOON — Je vous en prie, allez-y.

DEBRA— Tout ce que j’aurais voulu dire a déjà été exprimé avec tant d’éloquence, de poésie et de passion. Donc oui, oui, oui, oui et oui.

AFSOON — En effet ! Je m’en fais l’écho. Merci Rabbin. Je sais que nous pourrions parler de ce sujet pendant des heures, mais malheureusement, notre temps est écoulé. Il est étonnant de constater à quel point le temps passe vite lorsque l’on parle de ce sujet important avec nos merveilleuses panélistes, mais aussi à quel point le temps peut s’écouler lentement dans d’autres cas, en particulier dans les moments de violence. Je voudrais donc vraiment rendre hommage aux femmes et aux jeunes filles qui ont fait l’objet de notre conversation aujourd’hui.

C’est merveilleux pour nous d’être réunies dans la paix et l’amour pour discuter de ce sujet, mais, comme nous l’avons dit au début, il s’agit vraiment de l’une des plus grandes injustices de notre société, et j’espère, comme tous ceux qui sont ici, que nous avons fait un pas en avant aujourd’hui, à notre petite échelle, grâce à cette table ronde, pour continuer à éradiquer la violence contre les femmes.

Sur ce, j’aimerais remercier nos panélistes, le rabbin Debra Landsberg, Nuzhat Jafri, Thea Symonds, Jennifer Moore Rattray. Je voudrais remercier les organisations qui ont soutenu cette rencontre : la Southern Chiefs' Organization, le comité de coordination de Stop Violence Against Women, le Centre for Israel and Jewish Affairs et le Conseil canadien des femmes musulmanes.

J’aimerais également remercier l’organisateur, le Bureau des affaires publiques de la Communauté bahá’íe du Canada. Si vous souhaitez obtenir de plus amples renseignements sur ce bureau, vous pouvez consulter le site opa.bahai.ca.

Et je tiens à vous remercier tous — les participants — d’être venus, d’avoir pris part à la conversation par vos questions. Et bien que nous soyons, encore, dans le cadre d’une réunion zoom, je peux néanmoins sentir l’énergie du groupe. Peut-être que les idées et la compréhension que nous avons acquises cet après-midi éclaireront le reste de notre journée, et même le reste de nos vies. Sur ce, je vous remercie tous et vous souhaite une excellente journée. Au revoir.