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Balado : Le discours public

Épisode 1 : Favoriser le dialogue et la consultation

Nous nous entretenons avec Sabreena Delhon, Michael Sabet et Jennifer Wolowic sur la façon dont nous pouvons renforcer les processus de dialogue et de consultation. Mme Delhon est directrice générale du Centre Samara pour la démocratie, M. Sabet est étudiant en doctorat à l’Université de Toronto et Mme Wolowic est directrice de programme au Morris J. Wosk Centre for Dialogue de l’Université Simon Fraser.
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LAURA FRIEDMANN : Bonjour, je suis Laura Friedmann et j’animerai cet épisode du Discours public pour le Bureau des affaires publiques de la Communauté bahá’íe du Canada. Je suis ravie d’accueillir trois invités aujourd’hui pour notre premier épisode d’une nouvelle série que nous appelons « Une vision de l’unité ».

Je parlerai avec nos invités des causes de la polarisation et de la division de notre société et de la manière dont nous pouvons renforcer les processus de dialogue, de délibération démocratiques et de consultation dans notre culture et notre politique. Mais avant d’entamer notre conversation, j’aimerais demander à chacun d’entre vous de se présenter brièvement. Sabrina ?

SABREENA DELHON : Bonjour. Je m’appelle Sabreena Delhon. Je suis la directrice générale du Centre Samara pour la démocratie.

LAURA : Super. Merci. Michael ?

MICHAEL SABET : Bonjour, je m’appelle Michael Sabet. Je suis avocat de formation, mais je poursuis actuellement un doctorat en théorie politique.

LAURA : Formidable. Et Jennifer ?

JENNIFER WOLOWIC : Bonjour, je m’appelle Jennifer Wolowic. Je suis anthropologue de formation et je dirige actuellement notre projet Renforcer la démocratie canadienne au Centre pour le dialogue Morris J. Wosk à Vancouver.

LAURA : Formidable. Je suis vraiment heureuse de vous avoir tous les trois ici avec nous aujourd’hui. D’autant plus que c’est notre premier balado après une courte pause. Je suis donc très heureuse que vous soyez ici avec nous pour lancer la troisième saison.

Sabreena, j’aimerais commencer par vous. Nous venons de vivre une élection au Canada et, bien que nous n’ayons pas vu beaucoup de changements au niveau de la représentation politique, les événements survenus pendant la campagne ont reflété un degré accru de tension politique. Pensez-vous que notre société est de plus en plus polarisée ?

SABREENA : Eh bien, merci beaucoup de me recevoir aujourd’hui. C’est un plaisir d’avoir été invitée.

Bien que je pense que nous soyons à un moment critique pour définir le prochain chapitre de la démocratie au Canada, au cours de la dernière année et demie, après avoir tout vu à travers la lentille de la pandémie, nous pouvons maintenant voir les choses différemment. Au cours de la pandémie, le public a été à l’écoute et s’est engagé. La majorité des gens ont suivi les protocoles de santé publique, ont porté des masques et se sont fait vacciner. On a également assisté à une montée de l’organisation communautaire en réponse à l’inégalité exacerbée par la COVID-19 et, au cours de cette période, nous avons vu des mouvements sociaux qui existent de longue date faire leur apparition dans le courant dominant. Tout cela va à l’encontre du mythe du désengagement de notre électorat et une grande partie de cette mobilisation découle des éléments prodémocratiques des plateformes de médias sociaux ; des éléments qui permettent la connexion et le partage d’informations, surtout à une époque où nous devions être physiquement éloignés les uns des autres.

Voilà pour le « pour ». Cependant, nous savons que certains aspects des médias sociaux — en particulier les aspects liés à la connexion et au partage d’informations — ont également été utilisés comme armes pour commettre des abus, inciter à la violence et polariser. Et cette circonstance a un impact. Dans le contexte politique, cela signifie que les gens quittent la politique ou n’y entrent pas, qu’ils se tiennent à l’écart de la conversation politique parce qu’elle divise et qu’il y a un aspect toxique polarisant qui se produit dans la vie réelle, mais aussi largement en ligne, et qui constitue un obstacle à l’engagement civique.

Au Centre Samara, nous observons la situation et nous constatons qu’il s’agit d’un cas et d’une circonstance qui ne s’améliorent pas. Elle s’aggrave. Les élections sont une période de haute toxicité en ligne. Nous avons donc profité des récentes élections fédérales pour recueillir des données et sensibiliser le public à l’état de la conversation politique en ligne au Canada. C’est vraiment intéressant quand on mesure l’évidence. Anecdotiquement, nous savons tous que l’état de la conversation politique en ligne au Canada est assez toxique, mais il est néanmoins important de le quantifier. Nous avons donc déployé un robot pendant l’élection, appelé « Sam », ou « Sam-bot ».

Pendant les élections fédérales, nous avons déployé un robot qui a suivi les tweets toxiques reçus par les candidats sortants et les chefs de parti avant le jour du scrutin, et ce n’est qu’une toute petite partie de la conversation politique en ligne. Nous avons suivi 300 comptes, nous avons recueilli plus de 2 millions de tweets et nous avons analysé quatre formes différentes de toxicité, qu’il s’agisse de propos profanes, menaçants, sexuellement explicites ou insultants. Nos résultats ont confirmé ce que beaucoup de personnes dans le monde politique savent de manière anecdotique, à savoir que le volume et l’intensité de la toxicité sont stupéfiants. Et environ 20 % de ce que nous avons observé était qualifié de toxique.

C’est important, car près de la moitié des utilisateurs de médias sociaux au Canada disent ne pas se sentir en sécurité lorsqu’ils participent à des conversations politiques en ligne. Ils s’en tiennent à l’écart. Or, c’est là que se déroule l’essentiel des conversations politiques, en particulier pendant la pandémie. Parmi les groupes qui ne se sentent pas en sécurité lorsqu’ils expriment leurs opinions en ligne, on trouve principalement les femmes, qui sont confrontées à une grande partie du harcèlement numérique, ainsi que les Canadiens racisés, qui sont également victimes d’abus en ligne.

Plus généralement, nous souhaitons que les données que nous avons recueillies avec Sam-bot guident les discussions sur la façon dont nous gérons la relation entre la technologie et la démocratie, et un rapport plus long basé sur nos conclusions sera publié cet automne. Notre intention est de saisir l’occasion de faire évoluer non seulement nos politiques, mais aussi notre culture démocratique, et de nous attaquer à la polarisation qui y est inhérente.

LAURA : J’aime que vous disiez que cela vous donne de l’espoir et vous inspire à continuer. Et voilà une bonne transition pour parler davantage de la démocratie. Jennifer, vous travaillez sur un programme au Centre pour le dialogue Morris J. Wosk qui vise à renforcer la démocratie canadienne, pouvez-vous m’en parler un peu plus ?

JENNIFER : Oui. Donc on regarde quelle est l’expérience des habitants du pays. Je ne dis pas citoyens parce que tous… Les habitants du Canada sont tous membres de notre démocratie, qu’ils aient ou non le droit de vote officiel. Et qu’est-ce qui les stimule, qu’est-ce qui les rebute, en ce qui concerne leur participation ? Quelles sont les capacités et les compétences dont nous avons besoin pour bien faire cela ? Et puis aussi, qu’est-ce qui nous aide à mieux participer ? Qu’est-ce qui nous motive ou débloque des capacités dont nous ne soupçonnions pas l’existence pour améliorer la participation de nos communautés locales aux activités d’engagement public au niveau local ou provincial, ou même aux élections fédérales ?

La démocratie, c’est bien plus que de se rendre aux urnes chaque fois que le Premier ministre demande à notre gouverneure générale de tenir des élections. Ce qui compte c’est le lendemain. Et comment renforcer le lendemain ?

LAURA : Exact. Et donc, selon vous, quelles sont les causes sous-jacentes de la division et de la polarisation dans notre société en ce moment ?

JENNIFER : Lorsque nous observons les démocraties partout dans le monde, nous constatons également que c’est un système de gouvernement qui permet à la plupart des gens de ne pas trop se soucier de la politique. Un autre spécialiste, Robert Talisse, a écrit un livre intitulé Overdoing Democracy. Il explique que le but de la démocratie est de nous permettre de créer nos liens personnels, nos activités personnelles en dehors de la politique. Nous avons cette ample liberté de le faire au niveau local. Et lorsque nous regardons partout dans le monde, les démocraties ont tendance à faire cela un peu mieux — ou beaucoup mieux dans de nombreux cas — que les formes de gouvernement autoritaires ou autres.

C’est donc là que nous en sommes arrivés. Vous avez également demandé ce qui provoque la polarisation en ce moment ? Qu’est-ce qui se passe en ce moment ? Une partie de ce que Sabreena a mentionné concerne les technologies et les systèmes, mais ce qui se passe aussi, c’est une différente prise de conscience de la différence et de la division, car lorsque vous tweetez quelque chose, elle est diffusée pour toujours. Ce n’est plus une conversation de passage avec votre voisin où vous vous défoulez à la fin de la journée, une conversation éphémère et qui disparaît ; elle est maintenant diffusée et persiste, et quelqu’un la trouve et la lit. Il est d’accord ou pas, et il forme ses propres communautés autour de ces sortes de traces de vos sentiments et de vos pensées d’un moment.

LAURA : Exact.

JENNIFER : Et ce qui arrive est aussi ce qu’on appelle la « polarisation des croyances ». Quand il est si facile de trouver des gens qui sont d’accord avec vous et que vous ne parlez qu’à ceux qui sont d’accord avec vous, vous avez tendance à devenir plus extrême dans vos croyances et dans la conviction d’avoir raison. Dans son livre Why We're Polarized, Ezra Klein explique que ce tri des idées n’est pas nouveau, mais que ce qui est nouveau, c’est la tension entre les groupes dont parle Sabreena, l’animosité entre les différents groupes aux deux extrémités du spectre et cet engagement. Et nous commençons à rationaliser sur la base de nos croyances initiales, sans vraiment écouter l’autre. C’est donc ça qui est différent.

LAURA : J’aime comment vous l’avez dit. Michael ou Sabreena, n’hésitez pas à intervenir sur ce que Jennifer a dit. C’est intéressant parce que, Michael, votre recherche doctorale examine comment renforcer les processus délibératifs en politique. Je me demande si vous pourriez nous parler de certaines façons d’introduire des principes et des pratiques consultatifs dans notre vie publique.

MICHAEL : Bien sûr. Merci Laura. Je vais présenter quelques réflexions. Je pense qu’en reprenant le point soulevé par Jennifer, il y a des tendances humaines sous-jacentes par lesquelles nous nous définissons en fonction de nos différences, et de qui l’autre est. Je pense que nous pouvons tomber dans ce tribalisme extrême où même des décisions frivoles sur le type de beignets que nous mangeons finissent par devenir un marqueur important de ce que nous concevons être. Je pense qu’il est vraiment important d’avoir une vision claire de cela lorsque nous réfléchissons aux moyens de sortir de cette sorte d’entonnoir vers une polarisation croissante dans lequel nous nous trouvons. Et puis nous pouvons aussi penser à d’autres tendances humaines que nous observons dans diverses cultures et qui vont dans une direction différente. Il y a des tendances vers une sorte d’empathie universelle. Lorsque quelqu’un voit quelqu’un d’autre souffrir, il y a une réaction universelle de ressentir également de la douleur. Et puis je pense que la question est de savoir laquelle de ces tendances nous alimentons le plus dans notre société.

Et je pense qu’il y a beaucoup de recherches sur la façon de créer un processus démocratique différent, plus délibératif, qui rassemble des gens qui ne sont peut-être pas d’accord, mais qui leur permet d’avoir une conversation au lieu de se battre. Et je pense que Jennifer et Sabreena seraient toutes deux beaucoup plus qualifiées que moi pour parler de cet aspect, de ce sujet.

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est qu’en fin de compte, je suppose que le changement social doit commencer par un changement d’idées, et nos idées changent toutes d’abord dans notre propre esprit. Et je suis intéressé par le type de conditions qui permettent aux gens d’ouvrir leur imagination à un ensemble différent de possibilités pour une culture démocratique, et ensuite comment cela peut-il nous mener à l’action ?

LAURA : Oui !

MICHAEL : Je viens d’un milieu juridique où l’antagonisme est le cadre dans lequel se déroule l’exercice du droit. Et cela a des avantages. Il a certaines forces. Mais je pense qu’il est également vrai que, si nous y réfléchissons d’un point de vue épistémologique, comment savons-nous ce que nous savons ? L’antagonisme est problématique parce qu’il part de l’hypothèse que nous croyons avoir raison, et il suppose que vous savez en faveur de quoi vous êtes, vous savez contre quoi vous êtes.

Et je pense que parfois ce genre de clarté morale est très important. Il y a des moments où vous devez dire carrément : « Je suis certain que ceci est juste et je ne vais pas rester silencieux quand quelque chose de clairement mauvais se passe. » Mais parfois, ce genre de clarté morale peut être assez destructeur, car cela signifie que vous n’écoutez pas. Dans un espace partisan, une approche contradictoire structure la conversation autour de ce type de positions fixes. De plus en plus, le jeu politique, tel que je le comprends, est un jeu où les partis essaient moins de convaincre les gens qui ne sont pas déjà d’accord avec eux, et essaient davantage de mobiliser.

Ainsi, lors des dernières élections, un candidat — ou le représentant d’un candidat dans notre circonscription — s’est présenté à la porte et a demandé, [ma femme a ouvert la porte] « Pour qui votez-vous habituellement ? ». Et elle a répondu : « Je ne vote habituellement pas par parti. Je regarde les programmes et les candidats, puis je prends une décision. Et ce solliciteur a dit, « OK, merci. » Et il est passé à autre chose. Et l’idée était que, stratégiquement, ils n’ont pas le temps d’investir dans la conversion d’une personne, ils doivent trouver les personnes qui sont déjà susceptibles de voter pour eux et les mobiliser.

Et je pense qu’il y a une image très ancienne — je pense qu’elle vient de la tradition bouddhiste — qui me vient à l’esprit quand je pense à la façon dont nous abordons nos propres opinions dans le discours public ; c’est l’histoire des aveugles et de l’éléphant, que je suis sûr que beaucoup, beaucoup de nos auditeurs connaissent. Trois aveugles tombent sur « quelque chose », et chacun en sent une partie différente. L’un d’eux conclut que c’est un serpent parce qu’il touche la trompe de l’éléphant. L’un d’eux conclut que c’est un arbre parce qu’il touche la jambe. Un autre conclut qu’il s’agit d’une corde parce qu’il touche à la queue. Il y a deux leçons à en tirer. La première est qu’ils sont trop sûrs d’avoir raison. Ce qu’ils doivent faire, c’est être un peu moins sûrs d’avoir raison et ils pourront alors trouver une vérité commune. L’autre conclusion à laquelle on pourrait arriver serait que, peut-être, les aveugles ont juste besoin de renoncer à l’idée de vérité. Ils ont juste besoin de dire, « Eh bien, vous avez votre vérité, j’ai ma vérité. »

Et je ne pense pas que ce soit vrai non plus, car il y a là un éléphant ; il y a une vérité objective. Peut-être que ce dont nous avons besoin, c’est d’apprendre quel est le bon équilibre entre l’humilité par rapport à nos propres opinions, mais aussi une sorte de conviction et de foi que nous pouvons parvenir à un accord par le biais d’une consultation honnête ; pas un accord total, pas un consensus total, mais un accord suffisant pour avancer sur les choses qui comptent.

JENNIFER : J’aime vraiment ce que Michael a dit sur l’humilité dans nos propres croyances. Une partie de ce que nous voyons actuellement est cette méfiance générale envers l’expertise parce que vous pouvez trouver des personnes qui sont d’accord avec vous et vous pouvez trouver des « faits » qui sont d’accord avec vous. Et je mets le mot « faits » entre guillemets. Et donc il y a ce sentiment général — et nous pouvons le voir dans la conversation sur la crise climatique — vous savez, où les gens continuent à nier que ça existe. Et ils sont si certains dans leur conviction.

Et puis l’autre élément que Michael a soulevé concernant ce discours, c’est que nous oublions que la démocratie est un système qui nous amène à faire des compromis, et c’est là tout l’intérêt, c’est que personne ne gagne parce qu’il faut que la majorité vote et il est très difficile de faire en sorte que la majorité vote pour se mettre d’accord sur quelque chose. Il faut donc repousser et trouver des moyens de rencontrer les autres là où ils sont.

LAURA : Exact.

SABREENA : Il y a aussi l’élément de certitude que, vous savez, Michael vous nous encouragez à remettre en question, et puis Jen ce dont vous parliez avec les partis politiques comme, « Oh, je dois m’identifier à un parti politique et ensuite je peux comprendre qui je suis par rapport à cela. » Je pense que le sentiment existe qu’on demande un certain niveau de certitude de la part des électeurs pour qu’ils soient extrafermes dans leurs croyances et convictions, et extra fermes dans leur identité politique. Et c’est tout simplement trop, et c’est ce qui empêche les gens de sentir qu’ils peuvent participer. Ils ont l’impression qu’il y a une sorte de norme qu’ils sont censés respecter et avoir cette sorte de position statique en permanence. Et c’est juste, je pense, débilitant en ce qui concerne l’activation de la participation civique d’une manière complète et robuste.

JENNIFER : Et cela signifie que l’électorat est constamment déçu.

LAURA : C’est vrai. Michael, vous alliez dire quelque chose ?

MICHAEL : Une chose qui me vient à l’esprit — peut-être quelque chose d’autre à mentionner en termes de rayon de lumière dans le contexte canadien — est : Il y a une façon de voir [la diversité] comme, eh bien, un problème dans la mesure où nous sommes tous si différents, comment pourra-t-on jamais avoir de la cohésion dans un groupe de personnes si différentes ? Et je pense qu’il y a quelque chose là.

Mais je pense qu’il y a une autre façon d’y penser… Si l’on utilise une métaphore organique, par exemple lorsque vous essayez de faire pousser des cultures, les monocultures — comme nous l’apprenons dans le domaine agricole — sont en fait assez fragiles. Plus la diversité de votre écosystème est grande, plus il est robuste, plus il est capable de relever des défis. Et si vous pensez à la façon dont les plantes poussent, un sol stérile ne peut pas vraiment donner naissance à un écosystème sain ; il ne peut pas donner naissance à des plantes saines.

Un philosophe, du nom de [Jürgen] Habermas, explique comment, dans le monde moderne, nous avons structuré un grand nombre de nos institutions d’une manière qui tend à stériliser le sol dans lequel nous vivons — je ne sais pas s’il utilise ces mots exacts. Ainsi, si vous pensez à nos transactions économiques, elles sont passées de très intimes dans le contexte des villages des époques précédentes, à très anonymes, où je n’ai pas besoin de connaître mon épicier. Au cours des cinq dernières années, je n’ai même pas eu besoin de saluer la personne qui enregistre mes achats à l’épicerie, car je me rends à un kiosque libre-service et je fais mes courses moi-même tout en écoutant quelque chose dans mes écouteurs. Je peux n’avoir aucune interaction humaine pendant tout le processus qui me permet de nourrir ma famille.

Je pense que cela peut accroître notre tendance à ne parler qu’aux personnes qui sont déjà d’accord avec nous, parce qu’il n’y a pas d’impulsion, pas de force centripète qui nous pousse à discuter avec les autres. Mais des recherches très solides suggèrent que lorsque vous avez une société où les gens parlent au-delà des différences et ont des liens sociaux au-delà des différences — donc des formes d’organisation où ils rencontrent des gens qui ne sont pas comme eux de diverses manières — cela augmente vraiment la cohésion sociale. Mais je pense que nous ne pouvons pas compter sur nos institutions pour créer cet environnement à notre place, car elles ne sont pas conçues pour cela. La plupart de nos institutions sont conçues pour nous atomiser et nous séparer de différentes manières.

Je pense que ce sont les individus et les communautés qui doivent faire l’effort difficile de trouver des moyens de s’adapter à la différence. C’est donc quelque chose que la communauté bahá’íe mondiale essaie d’apprendre. Il y a un processus de consultation qui est en quelque sorte l’élément vital de la vie de la communauté bahá’íe, et en dehors de leur appartenance religieuse, les bahá’ís ont tendance à être très diversifiés dans les milieux où ils se trouvent ; ils viennent de toutes sortes de milieux.

Et c’est vraiment, vraiment difficile ; je peux parler d’expérience personnelle. Il y a l’idéal de ce que la consultation dans la communauté bahá’íe est censée être ; et puis il y a la réalité, et cela demande une sorte de persévérance. Et là encore, je pense que cela exige une sorte de confiance ou de foi dans le fait que c’est quelque chose qui vaut la peine d’être fait et que nous pouvons nous améliorer dans le développement de cette capacité à parler de la différence. C’est vraiment important parce que si vous n’avez pas cette vision de ce qui peut arriver, alors toutes ces forces de la société qui nous séparent, je pense qu’elles… Nous serons juste emportés par la marée…

Par exemple, je regarde ma propre vie et je peux si facilement passer une semaine entière — et la COVID exacerbe cela bien sûr — je peux passer une semaine entière où je ne parle à personne que je ne connais pas déjà. Je pense que c’est, oh, peut-être un signe d’alerte pour une société aussi diverse que la nôtre.

LAURA : Ouais. C’est tellement intéressant… Comme vous l’avez dit, la pandémie nous a en quelque sorte isolés des autres, et nous finissons souvent par nous tourner vers les médias sociaux comme source de socialisation ; ce qui pourrait être une bonne chose, mais vous savez, il y a plusieurs faces à cette pièce.

Donc, Sabreena, j’aimerais revenir à vous. Je sais que Samara a travaillé sur des projets qui présentent la toxicité de la culture politique en ligne, et qui améliorent également la qualité des conversations en ligne. Alors, comment pensez-vous que nous pouvons mieux parler aujourd’hui dans les espaces en ligne ? Faut-il simplement que les gens deviennent de meilleurs citoyens des médias sociaux, ou faut-il que quelque chose change dans la façon dont ces espaces sont structurés ?

SABREENA : Eh bien, je vais parler un peu de Sam-bot. Sam-bot a analysé les tweets pendant six semaines et je pense que ce qui était le plus convaincant et le plus déprimant, c’est que la toxicité est restée stable pendant toute cette période. Une petite partie de ce que nous avons trouvé était gravement toxique, ce qui aurait été bloqué ou signalé sur Twitter. Mais pour la plupart, il s’agissait de tweets toxiques qui pouvaient être diffusés sans conséquence. Et c’est vraiment dommageable pour notre démocratie, parce que pour les candidats, les politiciens, leurs collaborateurs, ce sont des contenus qui vont arriver à un rythme vraiment inquiétant ; des dizaines, des centaines, des milliers par jour. Et cela va vous épuiser ; c’est la mort par mille coups.

Et il ne s’agit pas seulement de faire attention à ses sentiments ou d’avoir la peau dure si l’on doit être présent en public. Cela va au-delà de l’appel à la résilience, qui est un appel problématique en premier lieu. Il s’agit d’être maltraité dans le cadre de votre engagement envers le service public et c’est une laideur qui affecte vraiment l’électorat. C’est ce qui les pousse à se tenir à l’écart parce qu’ils sont soit ennuyés par cette toxicité, soit intimidés par elle. Et cela nuit à l’engagement civique, ce qui est finalement très mauvais pour notre démocratie.

On peut donc parler de la nécessité d’être plus responsable en tant qu’utilisateur de médias sociaux en s’attaquant au sentiment d’anonymat qui est à l’origine d’un grand nombre des comportements toxiques que nous observons en ligne ; on peut aussi parler de la nécessité de réglementer les plateformes de médias sociaux — ce que la Commission canadienne sur l’expression démocratique a proposé ; et on peut parler de la nécessité pour les institutions d’évoluer en réponse à la toxicité numérique, car elles ont certainement pris du retard et perdu la confiance du public en conséquence.

Mais je pense qu’il est également important pour nous de parler de la culture politique au Canada et du rôle des partis politiques en particulier. Les partis politiques ont l’occasion de faire mieux, d’établir des normes de comportement plus productives au sein de la communauté politique canadienne et d’élever la barre dans la façon dont ils gèrent leur relation avec l’électorat.

Lors de la dernière élection, les partis ont déployé beaucoup d’efforts pour recruter des candidats diversifiés pour cette élection. Le maintien de ces personnes dans l’arène politique dépend des conditions de travail qui, actuellement, dans l’environnement en ligne, sont hostiles et freinent également la participation du public à notre démocratie. Au Centre Samara, nous sommes vraiment intéressés par la façon dont les partis politiques vont réagir aux données que nous avons recueillies avec Sam-bot. Que font-ils pour soutenir leurs candidats et leurs membres ? Et comment vont-ils demander des comptes à ceux qui font partie de leurs cercles directs, car ils participent également à la prolifération de la toxicité en ligne, qui entraîne des divisions dans notre société. Si les partis ne sont pas à la hauteur de la situation, le risque est grand de voir le discours politique continuer à se dégrader et les gens tourner le dos au processus politique.

Et les partis politiques ont leur importance ici, car ce qui se passe dans l’environnement politique envoie un signal au reste de la société sur qui appartient à la société ? Qui est un leader ? Qui fait entendre sa voix ? Et quelle est la norme en matière d’engagement et de communication ? Et aussi, quelles sont nos attentes en matière de cohésion sociale ? Pour poursuivre ce que Michael vient de dire.

Le fait d’être la cible de vitriol numérique — d’être à proximité de vitriol numérique — affecte non seulement les personnes qui entrent en politique, mais aussi celles qui y restent, et cela a un effet qui se répercute dans nos communautés, et dans notre expérience vécue au quotidien [du] pouvoir et du fonctionnement de notre démocratie. Les partis politiques ont donc l’occasion d’établir une norme d’engagement plus élevée entre l’électorat et les partis. L’élément clé ici est la façon dont l’électorat utilise son vote pour récompenser les partis qui peuvent avoir le courage de se conduire d’une manière plus responsable sur le plan civique.

JENNIFER : Et Sabreena, vous l’avez abordé [brièvement], mais je veux lui donner plus d’espace, c’est que nous savons par la recherche que le moyen le plus efficace de modérer un comportement est lorsque ce message vient de quelqu’un que vous voyez comme faisant partie de votre communauté, quelqu’un avec qui vous vous identifiez et qui vous dit : « Hé, tu sais, ça me met mal à l’aise… ». C’est la meilleure réponse à apporter au comportement de quelqu’un. Le fait que le message provienne d’une personne qu’ils considèrent comme extérieure à leur groupe oblige en fait quelqu’un à se retrancher dans cette position. Cela aggrave les choses. Et l’autre chose à faire, c’est de nommer les choses quand elles sont petites, parce que ce que nous voyons, c’est une escalade, et c’est aussi normal. Lorsque vous recevez un petit coup de pouce positif lorsque quelqu’un aime votre tweet toxique, votre prochain tweet sera encore plus toxique, votre prochaine déclaration au café sera un peu plus ouverte ; et c’est là que la polarisation des croyances entre en jeu. Et donc, vous savez, je pense que la communauté bahá’íe, en se rattachant aux valeurs fondamentales du pluralisme autour de l’engagement et en nommant ce genre d’interactions, est un très bon point de départ.

L’autre point où il faut en arriver est de se demander « quelle est ma réaction en ce moment ? ». Lorsque j’entends ou vois cette toxicité, où est-ce que je me sens mal à l’aise ? La peur y est souvent associée. Et pourquoi cela déclenche-t-il ma réaction de combat ou de fuite ? Pour reconnaître cela, la règle rapide que j’essaie d’inculquer aux gens est la suivante : « Quelle est la question que vous pouvez poser ? » Au lieu de dire : « Je n’aime pas ce que vous venez de dire. » Le dialogue est une question de curiosité, il s’agit de poser la prochaine question. Donc, « Pourquoi est-ce important pour vous ? » est toujours une bonne question. Mon autre question préférée est : « Pouvez-vous m’expliquer cela ? »

Et souvent, dès qu’ils sont forcés d’affronter ce qu’ils viennent de dire et d’en trouver le sens, leurs mots s’adoucissent, ils commencent à s’expliquer. Et vous dites, « OK, je peux comprendre ça. »

Et puis, peut-être, poser une autre question ? Et voilà. Et maintenant vous avez ramené quelqu’un et vous pouvez dire, « Et vous savez quoi ? Cette première question me met mal à l’aise et je vous respecte pour cette raison, mais nous devons commencer à faire partie de la solution. » Et j’ai l’impression que cette première affirmation fait partie du problème.

LAURA : Mm hmm. En fait, Jennifer, je voulais vous interroger sur un autre type d’espace social, le quartier. Vous avez écrit récemment pour Options politiques sur l’importance de l’organisation et de la participation dans nos communautés et que l’engagement de cette manière hyper locale peut faire de la participation politique une chose joyeuse. Pensez-vous que cela fasse partie de notre solution à la polarisation ce contact direct, plus de connexion, plus de joie, même la façon dont vous avez expliqué comment affronter quelqu’un avec qui vous n’êtes pas d’accord ? La façon dont vous l’avez décrite m’a donné un sentiment de joie dans cette interaction ; cette interaction hypothétique m’a semblé joyeuse, et juste légère. Que pensez-vous de cela ?

JENNIFER : Oui. Je pense que Michael a aussi abordé le sujet, c’est comme si nous devions commencer à parler aux inconnus, nous devons recommencer à dire, « Salut. Comment ça va ? ». Mais la pandémie et toute notre bulle sociale et la distanciation sociale nous ont vraiment fait perdre la main au cours des dix-huit derniers mois. Alors, vous savez, voici votre devoir : à travers votre masque, dites « Bonjour » à un étranger dans la rue.

Mais ma réflexion sur la joie vient d’une évaluation que nous avons faite pour un programme de petites subventions de la Vancouver Foundation. Ce programme existe depuis plusieurs années et il consiste à donner 500 dollars à des particuliers pour qu’ils réalisent une sorte de projet de développement communautaire. L’accès est très facile, tout le monde peut le faire, il y a très peu de règles à respecter.

Et, au fur et à mesure que nous avons interrogé les personnes qui ont participé, nous avons commencé à trouver des thèmes centraux parmi [ces leaders]. L’un d’eux était qu’ils avaient un problème qui leur tenait à cœur. Il pouvait s’agir de l’isolement social, de la sécurité alimentaire, du climat, de la circulation dans le quartier ou du recyclage, et ils voyaient en quelque sorte une solution qu’ils voulaient essayer. Il y avait une atmosphère générale d’expérimentation. En général, quelqu’un les encourageait à demander une subvention. Ils encourageaient ensuite les autres à essayer ou à se joindre à eux pour tenter quelque chose de nouveau. Ils ont également reconnu qu’ils avaient eux-mêmes certaines compétences en matière d’organisation. Il peut s’agir d’enseignants ou de parents qui apportent toujours le goûter au match de l’équipe sportive de leurs enfants, ou encore de grands-mères qui ont une grande famille et savent comment s’y prendre avec les gens. Ils avaient donc déjà des compétences en matière d’organisation. Mais le dernier élément était qu’elles reliaient toujours ce problème et leur solution à quelque chose qui leur apportait de la joie personnelle.

Par exemple, une personne préoccupée par la sécurité alimentaire a discuté avec ses voisins et ceux-ci lui ont dit : « Nous vivons dans un immeuble d’habitation, nous avons réduit la taille de notre domicile et notre jardin nous manque vraiment ». Son projet consistait donc à fournir des graines, des plants et des jardinières à ses voisins. Et ils ont ensuite planté tous leurs légumes sur leurs patios et leurs terrasses dans cet immeuble. Et cela leur a apporté un sentiment de joie. Ils développaient une solution autour de la sécurité alimentaire, de l’isolement social, du changement climatique, mais ils le faisaient d’une manière qui était souvent un passe-temps ou quelque chose de joyeux.

Une autre femme était vraiment préoccupée par notre mode rapide, par la façon dont nous prenons les vêtements et les jetons. Et elle aimait coudre. Elle a donc organisé des cours de couture pour son quartier. Et cela devenait un cercle socialement distant sur la pelouse de quelqu’un en été, où les gens venaient apprendre à raccommoder leur chemise. Mais c’était parce que cela leur apportait de la joie.

LAURA : Eh bien, ça me réjouit, et ça me donne aussi beaucoup d’espoir d’entendre tout ça. Et en parlant d’espoir, Michael, je me demandais ce qui vous fait espérer que le Canada puisse devenir une société plus unifiée — plus juste, plus capable de résoudre ses défis par le dialogue ? Quelles sont vos réflexions à ce sujet ?

MICHAEL : C’est une bonne question. Je pense que si je fais honnêtement le point avec moi-même, j’ai tendance à ne pas être particulièrement optimiste à court terme, mais j’ai beaucoup d’espoir pour le moyen et le long terme.

Je pense que les deux sources d’espoir pour moi, d’une part, seraient le fait que nous traversons des crises. Je pense que ça me donne de l’espoir d’une manière un peu bizarre.

Nous avons beaucoup parlé des médias sociaux et je pense qu’il est juste de dire que ce que les médias sociaux — vous savez, les technologies Internet en général — font à l’humanité pourrait être qualifié de crise. Ils sont apparus incroyablement rapidement, plus vite que nous n’avons eu le temps de nous attaquer à ce qu’ils font à nos esprits, à nos communautés. Mais ce qu’elles font, je pense, c’est qu’elles alimentent des tendances qui ont toujours été là, des tendances à la polarisation, à l’attaque de la différence, à l’adhésion à des « vérités » commodes qui ne sont pas vraies en réalité, mais qui sont juste ce que nous voulons entendre. Ces tendances ont toujours existé et ont causé d’énormes dommages tout au long de l’histoire de l’humanité.

Maintenant, ils sont mis en lumière parce que nous ne pouvons pas les ignorer. Personne ne peut se permettre de les ignorer à l’ère des médias sociaux. Ils nous nuisent à tous de manière évidente. J’espère qu’une fois que nous aurons réellement pris conscience de l’ampleur de ces problèmes dans leur manifestation dans les médias sociaux, nous ne reviendrons pas à ce que nous étions avant l’Internet ; nous serons meilleurs parce que nous aurons compris un problème qui a toujours existé et que nous pourrons construire une société qui fonctionne en le contournant.

L’autre grande crise de notre époque est bien sûr la crise environnementale. Et là, les propos de Sabreena sur le problème de la toxicité qui fait fuir d’importants contributeurs du service public ont trouvé un véritable écho. Il y a une très, très vieille histoire ; elle se trouve dans la République de Platon. Il parle de ce problème en disant : si vous êtes propriétaire d’un navire et que vous voulez décider qui sera le navigateur du navire, que feriez-vous pour choisir le navigateur ? Vous demanderiez à tous les marins de se battre jusqu’à ce que la dernière personne debout soit… Il a gagné, donc il sera le navigateur. Non. Parce qu’alors tout ce que vous auriez fait, c’est choisir le meilleur combattant pour être votre navigateur. Cette personne ne sait rien sur la façon de lire les cartes et de gérer un équipage. Mais c’est, en grande partie, nous sélectionnons ces qualités dans notre leadership plus nous avons une politique de division toxique.

L’environnement ne se soucie pas de qui nos dirigeants sont. L’environnement… Nous pouvons choisir le politicien le plus pugnace, le plus coriace, le plus habile en rhétorique pour nous diriger, et si cette personne ne peut pas s’attaquer à la crise environnementale à laquelle nous sommes confrontés, alors… La planète s’en fiche. Elle va continuer à évoluer selon ce que nous lui faisons. Je pense que cette crise va exiger un changement de tout, y compris de notre culture politique. Que cela se produise tôt ou tard, je suppose que cela dépend de nous, mais je suis convaincu que face à ce genre de menace existentielle, nous allons nous ressaisir.

Et puis peut-être le moins… Je ne veux pas avoir l’air du côté positif dans une chose très négative, mais l’autre grand point fort qui me donne de l’espoir est notre diversité. Selon la façon dont on envisage la diversité — je suppose que j’ai déjà abordé ce sujet — on peut la considérer comme un problème ou comme une force. Et si nous avons la bonne image en tête au sujet de la diversité, je pense que cela peut vraiment nous aider à réaliser la grande force d’un endroit comme le Canada.

La communauté bahá’íe a donc appris une métaphore : comment penser à l’ensemble de l’humanité de la même façon que nous pensons au corps humain ? Le corps humain tire sa force de sa diversité. Chaque cellule a une fonction différente. Elles ont toutes leur propre identité. Elles sont toutes soutenues par le corps et elles soutiennent toutes le projet global de maintenir le corps en vie et en bonne santé. Et dans ce contexte, la diversité est une bénédiction, car toutes les différences que nous avons constituent autant de forces. Nous avons chacun une perspective différente, des ressources culturelles différentes sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour construire une société meilleure.

Il s’agit d’une ressource naturelle que nous devons encore apprendre à exploiter, mais nous réalisons, je pense, que c’est une force. Et par rapport aux siècles précédents, nous savons à un certain niveau que l’humanité ne fait qu’un. C’est ce que nous enseignons à nos enfants. Nous ne l’enseignions pas à nos enfants il y a 200 ans. En tant qu’adultes, nous n’honorons pas toujours cette vérité, mais au moins nous savons que c’est ce à quoi nous aspirons et je pense qu’il y a beaucoup d’espoir. Alors, oui. C’est là que je cherche de l’espoir.

LAURA : Merci. Merci Michael. Et Sabreena ou Jennifer, qu’est-ce qui vous fait espérer que nous pouvons devenir une société plus unifiée et plus juste ?

JENNIFER : Je pense que pour moi c’est le fait que nous commençons à avoir de bonnes conversations. Nous avons un bon dialogue sur cette question de division ou de polarisation. Nous sortons un peu de la phase de réaction pour nous demander quel est mon rôle. Où est-ce que je contribue ? En quoi ne suis-je pas utile ? C’est quelque chose que les gens recherchent pour savoir comment faire partie de la solution. Même mon chat, derrière moi, est excité.

LAURA : Votre chat est d’accord.

JENNIFER : Il est d’accord. Et c’est l’une de ces choses. Je suis pour le dialogue et c’est en partie pour cela que j’aime travailler au Centre. Quand j’explique aux gens ce qu’est le dialogue, je leur dis que le débat, c’est le « Non, mais… ». Voici le « Non. Mais… » « Vous avez tort, parce que… » Et quand je pense au dialogue, je pense à l’improvisation, dont la règle est « Oui. Et… ». Et donc, en s’appuyant sur la communauté bahá’íe ou sur le commentaire de Michael sur la diversité, on introduit le « et ». Cela apporte des éléments auxquels vous n’avez pas pensé. Cela comble les lacunes. Il n’y a pas de lacunes parce que nous avons tellement de personnes qui ont tellement d’expertises différentes et tellement d’expériences vécues que les réponses sont là. Et il y a aussi un soutien lorsque vous avez besoin de faire votre deuil parce que vous avez dû abandonner quelque chose. La grande question qui se pose à la prochaine génération est la suivante : que devons-nous cesser de faire pour aider le climat ? Pour nous aider à nous retrouver ? Et beaucoup de ces choses sont des choses qui sont concrètes, qui nous font nous sentir bien, qui nous font nous sentir puissants. Et donc vous avez là une communauté qui va vous aider à dire, « Tu sais quoi ? Je sais que c’est moche que tu doives renoncer à ta deuxième voiture ou que tu doives arrêter d’être un crétin sur les médias sociaux. On est là pour toi. » Et donc c’est là, et c’est ce qui me donne de l’espoir.

LAURA : Génial. Et Sabreena, qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?

SABREENA : Je pense que ce qui me donne de l’espoir, c’est l’éveil que la pandémie a provoqué au Canada sur qui nous sommes en tant que pays et ce que nous pouvons être de plus, et pour que nous devenions ambitieux et que notre imagination soit débloquée, et que nous comprenions que nous n’avons pas à rester retranchés dans une seule façon d’être.

Je pense que nous avons également constaté, au cours de la pandémie, une augmentation de l’intérêt général, une compréhension générale des obstacles systémiques et une proximité accrue avec nos dirigeants. Nous avons été en mesure de voir l’intérieur de leurs cuisines et de leurs salons et d’autres choses du genre parce que nous avons tous été réduits à être des images carrées sur Zoom. Et je pense que cela a aplani les choses d’une très bonne manière pour beaucoup de gens et a aidé à surmonter l’hésitation présente au sein de l’électorat : « Oh, je ne suis pas censé demander ça », ou « je ne suis pas censé remettre ça en question », ou « ce n’est pas à moi de le savoir », ou « ce n’est pas ma position », ou « c’est à quelqu’un d’autre d’y penser ou de le faire ». Il y a eu cette prise de conscience du genre : « Hé, attendez ! Ce sont mes institutions. Qu’est-ce qui se passe ? Où est mon briefing quotidien ? Comment se fait-il que nous ne soyons pas aussi bons que la Nouvelle-Zélande. Et vous savez, vous devez me rendre des comptes d’une manière vraiment saine et productive. »

Et cela a été très encourageant et réconfortant pour moi de voir au cours de la pandémie, dans ma famille et dans ma communauté, des gens qui ne se seraient pas identifiés comme étant politiquement engagés auparavant. Il y a maintenant un nouveau sens de l’autonomie et de la connexion qui, je l’espère, peut être exploité pour faire évoluer ce que nous sommes en tant que pays, et pour faire évoluer la façon dont nous nous conduisons et dont nous vivons notre démocratie.

LAURA : Oui. Merci Sabreena. Et merci à vous tous d’avoir discuté vos idées sur la démocratie, sur le dialogue, sur la cohésion sociale, même sur l’humilité, sur la façon dont nous pouvons faire une contribution de manière plus constructive dans les espaces de médias sociaux et aussi devenir des agents actifs plus joyeux. Notre conversation m’a certainement inspirée et j’aime beaucoup la façon dont vous avez souligné les façons dont nous pouvons nous concentrer sur nos forces, même dans la diversité. Et cette idée de « Oui, et… ». est quelque chose que je vais garder à l’esprit.

Et vous m’avez certainement laissé avec des lueurs d’espoir sur la façon dont nous pouvons peut-être aller de l’avant dans cette société plus unifiée et plus juste. Merci à tous de vous être joints à nous aujourd’hui au Discours public.

JENNIFER : Merci. C’était très intéressant.

Oui. Merci de m’avoir invitée.

MICHAEL : Merci beaucoup.