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L’intégration et la participation des jeunes immigrants à la société

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La communauté bahá’íe du Canada est une communauté confessionnelle vouée à la promotion de l’amélioration de la société. Travailler avec des milliers de jeunes de tous âges et milieux pour qu’ils développent leurs talents et leurs capacités est un élément central de notre contribution à ce but. Notre expérience nous permet de mieux comprendre la participation des jeunes nouveaux arrivants de la société canadienne et le présent document représente un premier effort pour discuter certaines de nos observations dans le but de contribuer au discours général sur le rôle de la jeunesse dans la société.


La période de la jeunesse est une période critique dans la vie d’une personne, durant laquelle celle-ci subit de grands changements et assume de plus grandes responsabilités. Au Canada, un grand nombre de jeunes traversent cette période de leur vie en tant que nouveaux arrivants dans ce pays1. Les jeunes nouveaux arrivants, en plus de faire face aux mêmes défis que les autres jeunes, doivent aussi apprendre les usages d’un nouveau pays et d’une nouvelle culture. Les Canadiens, les collectivités et les institutions sociales ont des responsabilités pour ce qui est d’appuyer les efforts de ces jeunes pour s’intégrer et participer à la société canadienne. Par intégration, nous entendons plus que simplement apprendre les us et coutumes de la culture canadienne et trouver un emploi, bien que cela soit évidemment important. Il faut aussi songer à la capacité de former des amitiés sérieuses avec ses pairs, de renforcer ses relations avec sa famille au sens large et de contribuer utilement à sa collectivité.

Le Canada a une longue tradition d’accueil des immigrants. Malgré ce que nous avons appris collectivement, les jeunes nouveaux arrivants et immigrants font face à des défis particuliers quant au processus d’intégration, menant à une participation entière à la vie de la société. Ces défis n’ont pas de solutions faciles. Au contraire, ils exigent une réflexion sérieuse et une analyse faite à la lumière de la recherche dans le domaine social et de l’application des principes moraux et éthiques pertinents. Le présent document explorera certains des défis auxquels font face les jeunes nouveaux arrivants et il soulèvera certaines questions qui devraient être discutées. Cette analyse bénéficie de l’expérience de la communauté bahá’íe du Canada avec des groupes hétérogènes de jeunes, partout au pays, incluant un grand nombre d’immigrants, dans le contexte de programmes qui visent à développer leur capacité de servir leur collectivité et de développer leurs pouvoirs intellectuels et spirituels.

La jeunesse est une période caractérisée par des changements physiques, émotionnels et psychologiques, des processus qui sont accentués pour les jeunes nouvellement arrivés. En arrivant au Canada, ils sont souvent confrontés à une autre vision du monde que celle qui leur est familière. Dans certains cas, cela peut vouloir dire d’autres attentes au sujet de la réussite scolaire, du rôle des sexes, de la sexualité, des normes d’interaction avec les aînés et les symbols d’autorité, et du rôle de la religion et de la spiritualité dans la société. Bien des jeunes font aussi face au défi d’apprendre une nouvelle langue, sont victimes de racisme et d’autres formes de discrimination et d’intimidation, que ce soit dans des lieux physiques ou virtuels. Ces défis sont exacerbés par le fait que bien des jeunes viennent au Canada après avoir subi des traumatismes dans leur pays d’origine, causés par la guerre, la violence ou des souffrances économiques. Bien des jeunes nouveaux arrivants ont aussi été séparés de leur famille avant d’arriver au Canada et doivent apprendre à les connaitre à nouveau, dans un nouveau contexte.

Dans les meilleures situations, les défis que les jeunes immigrants doivent relever les aident à devenir plus forts. Deux caractéristiques de la jeunesse sont la résistance et l’habilité de s’adapter à de nouvelles conditions. Bien des jeunes nouveaux arrivants apprennent une nouvelle langue et s’adaptent à une nouvelle culture relativement rapidement et aident leurs parents à naviguer à travers la vie au Canada. Ils sont donc habilités à assumer plus de responsabilités qu’habituellement, ce qui les aide souvent dans d’autres aspects de leur vie. Ils développent aussi l’habilité de communiquer dans plusieurs langues et entre multiples cultures. De nombreux jeunes apprennent à approcher l’expérience de leur intégration à la société canadienne avec grâce et un sens de l’humour, et se servent de leurs expériences pour aider d’autres personnes se trouvant dans des situations semblables.

Les défis et possibilités qui se présentent aux jeunes nouveaux arrivants soulèvent de nombreuses questions : Quels sont les indicateurs de l’intégration? Pourquoi est-il important que les jeunes nouveaux arrivants soient en mesure de participer pleinement à la vie de la société? De quelles compétences, qualités et attitudes les jeunes nouveaux arrivants ont-ils besoin pour s’intégrer au Canada et pour participer pleinement à la vie de la société, et comment peuvent-ils les développer? Quelles sont les caractéristiques d’une communauté accueillante pouvant aider les jeunes à s’intégrer et à participer pleinement à la vie de la société? Comment les communautés peuvent-elles développer leurs capacités d’accueil des nouveaux arrivants et d’apprendre de ce qu’ils ont à offrir?

Les dynamiques familiales chez les nouveaux arrivants

On représente souvent les jeunes nouveaux arrivants dans les grands médias comme des personnes qui vivent des conflits intérieurs, qui ont un pied dans la culture de leurs parents et de leur pays d’origine et un pied dans la culture canadienne. Cela crée l’impression qu’ils sont des « âmes perdues », prises entre « deux mondes ». On dépeint leurs parents comme des personnes aux attitudes traditionnelles, qui sont obsédées par la réussite scolaire de leurs enfants et qui sont hostiles à la culture occidentale permissive. Ce stéréotype des jeunes nouveaux arrivants en crise est lié à la représentation des jeunes en général par les grands médias, qui les dépeint comme un groupe en crise. Cette façon de les dépeindre peut contenir un certain élément de vérité, mais elle ne reflète pas l’expérience des jeunes qui ont mieux réussi à s’intégrer.

Le fait que les jeunes nouveaux arrivants vivent une réalité sociale différente de celle de leurs parents est un défi. Toutefois, ce défi ne mène pas nécessairement à des conflits et à de la souffrance. Notre expérience suggère que lorsqu’on offre aux jeunes un espace de discussion avec leurs amis, dans un contexte qui invite la réflexion sur des concepts spirituels, ils sont en mesure de réfléchir sérieusement aux influences culturelles et de déterminer quels aspects de chaque culture ils aiment ou préfèrent ne pas adopter. Ils peuvent aussi développer le langage, les qualités et les attitudes qui leur permettent d’avoir des conversations avec leurs parents au sujet des façons d’aborder les grandes décisions de la vie et les principes pertinents, tout en respectant les droits et les responsabilités de leurs parents et des enfants de la famille. À mesure que les jeunes acquièrent un sens de leur finalité morale, ils exercent les pouvoirs qui leur permettent de naviguer à travers les tensions et contradictions qui peuvent les entourer.

Les approches qui réussissent le mieux à intégrer les jeunes à la vie de leur communauté sont celles qui tiennent compte de la famille dans son ensemble. Comme les jeunes, les parents ont aussi besoin d’un lieu où ils peuvent échanger avec des personnes qui sont dans une situation similaire. Quand les parents se sentent à l’aise de participer à de tels forums, ils sont mieux en mesure de comprendre les défis auxquels leurs enfants font face et de les aider à y répondre.

Dans bien des familles de nouveaux arrivants, les membres de la famille étendue participent beaucoup à l’éducation des jeunes nouveaux arrivants et appuient à la fois les parents et les jeunes. Ainsi, quand une famille étendue et une communauté appuient simultanément les jeunes et leurs parents, il est plus facile pour eux de communiquer ensemble et de trouver des solutions aux défis posés par la prise de décision, quand les valeurs de différentes cultures entrent en jeu.

Voici certaines des questions que nous nous sommes posées en travaillant avec des jeunes nouveaux arrivants. Quels sont les droits et les responsabilités des enfants? Quels sont les droits et les responsabilités des parents? Comment les parents peuvent-ils éviter les deux attitudes extrêmes — d’une part une attitude permissive qui accorde aux enfants une liberté complète et, d’autre part, une attitude autoritaire qui leur accorde une liberté très restreinte? Quel rôle les divers membres de la famille étendue peuvent-ils jouer pour aider les jeunes à naviguer à travers la vie au Canada? Comment les familles de nouveaux arrivants — qui travaillent souvent de longues heures — peuvent-elles trouver le temps d’avoir une interaction sérieuse? Comment peuvent-elles prendre l’habitude de se consulter? Quelle est la nature de la relation entre la famille et la communauté?

Bâtir de solides amities

La capacité qu’ont les jeunes de créer de nouveaux liens d’amitié est essentielle au processus d’intégration sociale. Un groupe d’amis leur donne un sentiment d’appartenance, ce qui est important pour les jeunes, particulièrement pour ceux qui viennent d’un autre contexte culturel, et qui par conséquent ont besoin d’un plus grand soutien. Toutefois, pour que des relations sérieuses se développent un groupe d’amis devrait faire plus que de leur donner un sentiment d’appartenance. En fait, les jeunes nouveaux arrivants sont souvent confrontés au fait qu’ils sont invités à se joindre à un groupe d’amis qui leur donne un sentiment d’appartenance, mais qui leur est autrement préjudiciable. Cela soulève la question : quels types d’amitié sont les plus propices à une bonne intégration? Notre expérience avec les jeunes suggère que le potentiel d’un jeune a de meilleures chances d’être libéré et ils ont de meilleures chances de s’intégrer s’ils ont un groupe d’amis qui sont unis autour du but de servir leur communauté. Les membres de tels groupes apprennent à bien communiquer et appuient ceux qui sont différents d’eux, ils s’encouragent à persévérer pour réaliser leurs buts, même quand cela est difficile, ils s’encouragent à éviter les comportements négatifs et ils apprennent à se réjouir des progrès de leurs amis.

Il arrive trop souvent que les membres d’un groupe, même ceux qui existent pour servir la collectivité, en viennent à se sentir à l’aise à travailler ensemble, à développer leur propre langage, et à avoir de la difficulté à avoir des rapports avec ceux qui ne font pas partie du groupe. De tels groupes réussiront dans la mesure où ils parviennent à s’élargir et à accueillir de nouveaux jeunes — ceux qui peuvent avoir un vécu différent, qui avancent à un autre rythme et ont d’autres cadres de référence. Les questions que nous posons incluent les suivantes. Comment les jeunes peuvent-ils aider leurs pairs, issus de tous les milieux, à avancer? Comment les jeunes peuvent-ils s’aider mutuellement à éviter les comportements négatifs? Comment peuvent-ils s’encourager mutuellement à réaliser leurs buts? Pourquoi les groupes ont-ils tendance à se refermer sur euxmêmes? Comment les gens et les groupes peuvent-ils apprendre à devenir accueillants et inclusifs?


La Communauté bahá’íe du Canada collabore avec un certain nombre de personnes à l’élaboration de contributions à la réflexion sur des questions importantes pour la société.

Ce document présente une réflexion qui aide à éclairer le travail de notre communauté pour articiper aux discours publics du Canada. Il ne s’agit pas d’un exposé de position ou d’une déclaration officielle de la Communauté bahá’íe, mais plutôt d’un ensemble de réflexions qui s’appuient sur les enseignements bahá’ís et l’expérience de la communauté alors qu’elle s’efforce de les appliquer à l’amélioration de la société.

Vous pouvez adresser vos propres réflexions ou commentaires sur ce document, en écrivant à affairespubliques@bahai.ca.