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GEOFF CAMERON : Nous sommes au début d’une année scolaire très particulière. Les écoles ont fermé en mars et l’apprentissage à domicile a pris la relève pour le reste de l’année scolaire. Les parents ont été confrontés à la responsabilité de reprendre le rôle des enseignants avec le soutien des outils en ligne, et les enfants retournent maintenant à l’école ou poursuivent un apprentissage à distance. Le moment semble donc opportun pour réfléchir à ce que nous avons appris sur l’éducation de nos enfants, le rôle que la technologie peut jouer — ainsi que ses limites — et les valeurs qui pourront à l’avenir guider les choix technologiques de nos systèmes scolaires.
Je suis donc vraiment ravi de pouvoir participer à cet épisode de Discours public avec Hoda Farahmandpour, Taban Behin et Brian Dijkema, pour explorer certaines de ces questions.
Avant de commencer, pourriez-vous vous présenter brièvement, en commençant par Taban ?
TABAN BEHIN : Je m’appelle Taban Behin, et je suis avant tout mère de deux enfants âgés de onze et neuf ans. Je suis également doctorante dans le cadre du programme sur les dimensions sociales de la santé à l’université de Victoria. Dans ce contexte, j’aimerais respectueusement saluer les peuples parlant le lekwungen sur les territoires traditionnels desquels se trouve l’université, ainsi que les peuples Songhees, Esquimalt et WSÁNEĆ, dont les relations historiques avec la terre se poursuivent encore aujourd’hui.
J’ai également la chance de faire partie d’un laboratoire de recherche technologique basé à Vancouver. Il est composé d’un groupe de chercheurs qui collaborent à un programme émergent visant à examiner de plus près la relation entre les outils numériques et la transformation sociale.
GEOFF : Formidable. Merci de vous joindre à nous, Taban. Brian, pourriez-vous vous présenter ?
BRIAN DIJKEMA : Merci Geoff. C’est un véritable honneur d’être ici et je suis vraiment, vraiment reconnaissant d’avoir été invité et de vous rencontrer, Taban, et Hoda. C’est un plaisir. J’ai vraiment hâte de parler avec vous.
Je m’appelle Brian Dijkema. Je suis père de quatre enfants. Nous avons des jumeaux qui ont treize ans, un garçon de dix ans et une fille de huit ans. Ils sont donc répartis ainsi, de la troisième à la huitième année. Voilà donc mon intérêt principal pour l’éducation et la technologie.
Je suis peut-être un peu particulier dans la mesure où mon éducation personnelle s’est faite dans de petites écoles indépendantes, de grandes écoles publiques, puis dans de petites universités indépendantes. Et la même chose est vraie pour mes enfants. Mon emploi — le travail qui me permet d’être payé et qui me procure beaucoup de satisfaction et de sens — est au sein d’un groupe de réflexion appelé Cardus, qui s’intéresse à l’architecture sociale. Notre objectif est de renouveler l’architecture sociale du Canada. Nous entendons par là l’épais tissu de relations qui s’établissent entre les individus, les communautés et le vaste éventail d’institutions avec lesquelles nous passons la plupart de notre temps.
Ainsi, dans les débats publics, nous passons généralement beaucoup de temps à parler de ce que le gouvernement devrait faire ou ne pas faire, de ce que le marché devrait faire ou ne pas faire, et ce sont souvent les deux grands éléphants qui s’affrontent dans la salle. Mais parallèlement, chacun essaie d’aller travailler en tenant compte de sa famille, d’aller à son église, à sa mosquée, à sa synagogue, à son temple, de rencontrer les associations de quartier, son syndicat, etc. Et nous nous intéressons à cette partie de la société civile, et en particulier à la manière dont l’éducation se déroule ou ne se déroule pas dans ces lieux. Nous nous intéressons donc au domaine de l’éducation au niveau des politiques publiques, mais en explorant comment l’éducation émerge réellement de la société civile et des collectivités elles-mêmes ? Et je pense que ceci est une excellente occasion de parler de cela et du rôle de la technologie dans tout cela. Je vous remercie donc.
GEOFF : Je suis si heureux que vous ayez pu vous joindre à nous, Brian. Je vous remercie. Hoda, pouvez-vous vous présenter ?
HODA FARAHMANDPOUR : Bien sûr. Merci beaucoup, Geoff, de m’avoir incluse.
Je m’appelle Hoda Farahmandpour. Je suis également mère de deux jeunes enfants, un de presque trois ans et un de presque six ans. J’habite à Toronto et je suis actuellement doctorante à l’OISE [Ontario Institute for Studies in Education], l’École d’éducation de l’Université de Toronto. Le département dans lequel je travaille fait partie du programme d’éducation des adultes et de développement communautaire, qui relève du département de l’enseignement supérieur et de l’éducation des adultes. Mon domaine de recherche actuel porte sur la transition entre l’école et le travail chez les jeunes, et en particulier, en ce moment, sur la relation et le lien entre l’emploi, les jeunes et le bien-être de la collectivité. Voilà ce à quoi je m’intéresse actuellement.
GEOFF : Eh bien, en tant que père de deux jeunes enfants et aussi en tant que personne qui, au cours des six derniers mois, a suivi toute cette évolution dans la façon dont l’éducation est dispensée et conçue, je suis vraiment emballé de pouvoir parler de ces questions avec vous trois. La pandémie elle-même nous a aidés à réfléchir aux principes qui devraient guider notre façon de concevoir l’éducation, au rôle que joue la technologie dans ce processus, et vous avez tous mentionné le rôle que jouent la communauté et la famille ; c’est une autre dimension importante que nous voulons aborder aujourd’hui.
Je me demande si nous pouvons commencer par vous, Taban. Vous faites partie d’un groupe de recherche qui réfléchit à des façons de concevoir la technologie peut être conçue pour permettre aux populations de croître et de se développer. Pourriez-vous nous indiquer certaines des valeurs et des principes qui pourraient guider notre réflexion sur l’utilisation de la technologie dans l’enseignement ?
TABAN : Bien sûr, je pense que c’est une question fondamentale pour laquelle je me réjouis de la contribution des autres. Il y a peut-être beaucoup de choses à explorer ici. Je vous parlerai un peu de ce que je comprends des termes utilisés, des termes tels que technologie et éducation. Et à partir de là, je mettrai en lumière certains principes et valeurs fondamentaux liés à l’utilisation de la technologie et de la scolarisation.
Au laboratoire, nous avons appris que le terme « technologie » peut signifier différentes choses pour différentes personnes. Le concept de technologie englobe bien plus que seulement des gadgets, il comprend également de simples outils, machines, techniques, systèmes, procédures et méthodes d’organisation. Par exemple, la technologie englobe une chose aussi simple que l’écriture. Vous savez ? En fait, en référence à l’écriture, Platon a dit s’inquiéter que cela pourrait faire perdre la mémoire aux êtres humains. C’est l’une des choses qui inquiétait Platon à propos de cette technologie.
Vous voyez donc que la technologie est le fruit de la science. Et c’est peut-être là que, pour le laboratoire, le principe de l’harmonie entre la science et la religion entre en jeu. En tant que groupe de recherche, nous reconnaissons que la science et la religion sont deux systèmes de connaissances complémentaires qui ont guidé le développement de l’humanité.
Si nous reconnaissons que la science et la religion ont été le plus souvent en conflit au cours de l’histoire, dans leurs formes les plus vraies, la science et la religion, prises ensemble, ont fourni les principes fondamentaux grâce auxquels les individus, les collectivités et les institutions ont pu s’organiser et évoluer au fil du temps. Si la technologie est réellement l’un des fruits de la science telle que nous la concevons, il semble qu’il serait alors utile qu’elle soit en harmonie avec la morale ou nos valeurs, qui sont un fruit de la religion.
L’autre terme utilisé a trait à la scolarisation. Si nous faisons référence à la scolarisation, je suppose que nous nous référons à l’éducation institutionnalisée des enfants. Je pense donc qu’au cœur de la scolarisation se trouve l’éducation. C’est là que le principe de l’éducation universelle semble utile pour réfléchir un peu plus. En termes simples, je pense que si nous convenons que chaque individu a le potentiel de contribuer à la production et à l’application de connaissances qui contribueront à son bien-être et à l’avancement de la collectivité et l’ensemble de la société, nous reconnaissons que la centralité de l’éducation dans le développement du véritable potentiel est vraiment importante. Chaque être humain doit y prendre part.
Je pense donc que le principe de l’éducation universelle va au-delà de la simple focalisation sur les infrastructures et l’accès aux établissements d’enseignement. Il s’agirait aussi de faire en sorte que chaque personne puisse développer des capacités : techniques, sociales, morales, spirituelles, toutes sortes de capacités qui lui permettront de mener une vie utile et de contribuer au progrès de la société.
Je pense que cela est dû en partie à la façon dont les outils technologiques ont été développés ces dernières années, ils y jouent certainement un rôle. L’éducation tente de ne pas être réduite au transfert de fragments d’informations et de faits qui sont simplement absorbés, ou de techniques qui sont acquises avec peu ou pas de compréhension des concepts et des processus qui les sous-tendent. C’est vraiment, je pense, l’une des choses que le laboratoire tente d’explorer davantage dans le contexte de ce principe d’éducation universelle.
GEOFF : C’est très utile. Je veux dire que je pense que cela élargit notre vision de la question dont nous discutons, au-delà de ce que beaucoup d’entre nous ont vécu en tant que parents à la suite du confinement, à savoir l’utilisation de la technologie d’une manière ou d’une autre pour transférer l’école à la maison. Et c’est un peu comme cela que nous avons pensé au rôle de la technologie et de l’éducation, mais vous nous avez donné une façon plus large de penser à la fois à ce qu’est l’éducation et à ce qu’est la technologie qui nous permet d’avoir une vision plus large de cette question.
Maintenant, il faut se concentrer un peu plus sur le moment où nous nous trouvons. Brian, Cardus a réagi très rapidement à ce changement de l’environnement éducatif après le confinement et a produit un important rapport de recherche intitulé « L’éducation flexible à une époque de perturbations », et dans ce rapport, a déclaré que le passage à l’enseignement à distance en ligne avait révélé des problèmes plus profonds qui étaient antérieurs à la crise. Je me demande si vous pourriez nous parler de certaines de ces questions plus profondes.
BRIAN : Oui. Merci Geoff. Et Taban, c’était parfait. Et je suis content, c’est une entrée en matière parfaite. Je pense que ce à quoi vous faites référence quand vous dites que la technologie inclut plus que les gadgets, c’est une représentation de quelque chose ; comme un livre, par exemple, est une technologie.
On a le sentiment que la technologie — ce qui renforce encore une fois l’argument de Taban — est en quelque sorte la manifestation d’un certain cadre moral ; qu’il existe en fait toutes sortes d’études sur la manière dont les différentes religions utiliseront ou n’utiliseront pas certains types de technologies parce qu’elles comprennent qu’elles ont une signification morale. Vous savez que l’exemple le plus clair de cela est la communauté mennonite par exemple. Je suis chrétien. Je ne suis pas mennonite. Mais la communauté mennonite fait partie de l’ensemble de notre foi, et ils sont très sérieux sur ce qui nous semble être des choses étranges. Par exemple [ils demandent] pourquoi vous préoccupez-vous tant d’avoir des lampes dans la chambre à coucher ? Ce à quoi nous disons, « Oh. Que voulez-vous dire ? Il faut bien voir. » Ils diraient : « Regardez. Non. Si vous avez de la lumière dans la chambre, cela peut vouloir dire que vous y passez plus de temps à lire, et que nous n’avons plus le temps de nous réunir en famille. » Ils comprennent donc que la technologie a de profonds effets moraux. Elle a une façon de façonner ce que nous sommes, et de façonner les communautés.
Un auteur que j’aime toujours lire à ce sujet est un certain Jacques Ellul, un philosophe de la technologie, et il a cette liste de 79 questions raisonnables à poser sur la technologie. L’une d’elles est : « Qu’est-ce que cela fera à la personne ? Qu’est-ce que cela fera à la collectivité ? »
Je pense que vous avez vu un peu de cela dans la réaction à la fermeture des écoles. Il y avait cette croyance — et je ne sais pas si elle était clairement ou parfaitement exprimée ou non — que dans un certain sens, les enfants ressemblaient beaucoup aux ordinateurs qu’ils utilisaient. Il s’agissait simplement de les mettre devant un ordinateur, de transférer les informations de la tête du professeur au cerveau de l’enfant. Mais, comme l’a fait remarquer Taban, ce n’est pas ainsi que le savoir fonctionne. La connaissance se développe dans une communauté de pratique. Et c’est vrai pour les religions. C’est vrai pour les métiers. Vous savez, un charpentier apprend en travaillant avec un apprenti et… un maître et un apprenti. Et cela, c’est plus vrai pour les sciences et les autres types de connaissances que l’on peut imaginer. Je pense que c’est également vrai pour l’école.
Et donc, j’aurais aimé en voir plus. Et je pense que ce qui s’est passé en fin de compte, c’est cette hypothèse sur la façon dont la technologie et l’éducation se chevauchent, aggravent et exacerbent les inégalités existantes dans notre système. Et je vais en mentionner quelques-unes d’emblée.
La première est simplement l’inégalité économique pure. C’est-à-dire que si vous n’avez pas l’argent pour le haut débit qui vous permet d’avoir des appels Zoom comme nous en avons en ce moment, si vous n’avez pas une pièce tranquille, où vous avez le haut débit, et où vous pouvez vous asseoir, et, vous savez, tranquillement étudier les mathématiques, votre métier, ou ce que vous voulez apprendre, vous serez un pas en arrière. Vous n’avez peut-être pas les moyens de vous offrir un ordinateur. Il y a pas mal d’éléments qui montrent que ceux qui se trouvent au bas de l’échelle économique ont eu d’énormes difficultés à suivre une formation à cause de cela. Et je ne pense pas que ce soit un problème qui sera nécessairement résolu en mettant un ordinateur dans les mains de chacun.
L’autre chose à noter est que ces présupposés moraux sur les structures de notre acquisition de connaissances — qui est dans une certaine mesure une définition de la technologie — sont également présents dans les structures politiques qui nous permettent de nous éduquer ensemble. Ainsi, notre hypothèse d’une éducation universelle est devenue, à bien des égards, simplement équivalente à la capacité de construire une école. Je pense que c’est un fait, que tout le monde va à l’école, etc. Mais, je pense que nous avons perdu le sentiment que l’éducation était une chose à multiples facettes qui nécessite des communautés qui permettent et soutiennent cette autre chose.
Et donc, j’aimerais parler davantage de la façon dont l’apprentissage et la connaissance ont réellement développé la communauté de pratique.
GEOFF : Merci Brian. En fait, je veux continuer à partir de là par ma question à Hoda. Vous avez dit qu’il se pouvait que l’hypothèse sous-jacente de ce passage à l’éducation en ligne était qu’un professeur pouvait être simplement placé à la maison au moyen d’un écran et que l’instruction pouvait se poursuivre sans interruption. Mais je pense que comme tout parent ou enseignant le savait déjà, et l’a également appris depuis, l’enseignement en ligne nécessite beaucoup de soutien de la part des parents ou des grands-parents, ou d’autres bénévoles.
Alors, Hoda, dans la mesure où la technologie et ce type particulier de technologie sont utilisés dans l’éducation, comment l’environnement social des étudiants en vient-il à influencer le processus d’apprentissage lui-même ? C’est une question sur laquelle Brian a réfléchi un peu, mais je me demande si vous pourriez continuer sur ce sujet.
HODA : Oui, si l’on considère l’éducation, comme l’a noté Taban, comme une éducation dans laquelle les gens deviennent de plus en plus capables de vivre une vie significative — une vie qui leur permet non seulement de s’enrichir et de se développer en tant qu’individus, mais aussi d’enrichir leur environnement social. Qu’ils sont capables d’y contribuer. Pour ce faire, il faut être capable de faire quelque chose. Pour être capable d’agir de manière significative sur le monde, il faut plus que de simples informations. Il faut plus que de simples connaissances. Il faut aussi certaines attitudes que nous apprenons lorsque nous entrons en interaction les uns avec les autres. Il faut des qualités spirituelles qui se manifestent et s’expriment dans notre façon de parler et dans nos relations avec les autres. Cela exige des compétences. Il faut aussi des informations et des connaissances, mais je pense que toutes ces choses réunies nous permettent d’être capables de consulter ou de piloter un avion. En réalité, tout ce que nous pouvons penser faire et qui requiert des capacités requiert toutes ces choses. Et quand on voit les choses sous cet angle, il devient très difficile de réduire ce processus à un simple échange en ligne entre un professeur et un étudiant.
\ Bien sûr, il n’est pas impossible de voir comment la technologie pourrait être utilisée, car je pense qu’un autre défi se pose lorsque nous assimilons trop facilement ce processus d’éducation à l’environnement bâti, et plus particulièrement à l’école physique. Ainsi, une fois que nous n’avons pas pu entrer dans une école physique, tout notre processus d’éducation a été mis sens dessus dessous. Mais c’est assez intéressant. L’éducation est-elle si étroitement liée à un environnement bâti ? À une école ? À un lieu physique ? Et je pense que de cette façon, ce qui m’aide, c’est de pouvoir distiller quels sont les éléments essentiels du processus d’éducation ?
Une chose qui me vient à l’esprit, c’est qu’il y a l’élève, l’individu, le programme — le contenu avec lequel cet individu interagit et qu’il essaie ensuite d’appliquer au monde qui l’entoure — et il y a l’instructeur, le professeur. Et quelle est la relation entre ces trois éléments ? Quelle serait une relation saine entre eux ? Si nous nous concentrons sur la relation et sur ces trois éléments essentiels du processus d’éducation, nous pourrions peut-être nous demander si ce processus pourrait se poursuivre dans d’autres contextes, dans un parc, ou en ligne, ou dans un bâtiment, une fois qu’il est plus sûr de retourner à l’intérieur pour le faire.
Alors quand on pense à tout cela — l’environnement social, que vous décrivez, Geoff, et qui sert de médiateur — je pense qu’une chose que tout le monde a remarquée, c’est à quel point les communautés et les familles peuvent réellement jouer un rôle plus significatif. Je pense que je n’ai jamais autant collaboré avec l’enseignant de ma fille que pendant les mois de mars à juin. Et c’est assez intéressant. C’est un peu… Bien que nous ayons eu l’impression que c’était, d’une certaine manière, très… Je ne veux pas utiliser le mot « fardeau », mais cela a mis une pression considérable sur les soignants et la cellule familiale. Je pense que cela nous a également permis de reconcevoir la relation entre une école et une famille, ou entre une école et une communauté, et de voir quelles possibilités peuvent exister pour les familles d’avoir une conversation avec leurs enseignants sur l’éducation de leurs enfants, et de les aider à le faire.
GEOFF : Nous avons donc parlé jusqu’à maintenant du rôle que jouent la collectivité, les institutions comme les écoles et les bibliothèques, l’environnement bâti. Dans une certaine mesure, nous avons discuté de la politique publique. Mais je veux maintenant en venir à l’individu.
Taban, vos propres recherches se sont concentrées sur la technologie et la conscience de ceux qui sont dans les premières années ; avec un accent particulier sur les populations autochtones. C’est un domaine de recherche très intéressant. Je me demandais si vous pouviez nous décrire comment la technologie façonne la conscience et le lien avec le processus éducatif. Et plus précisément, dans la mesure où vous pouvez le dire, quels problèmes se posent pour les jeunes autochtones en particulier et dans leur relation avec la technologie ?
TABAN : En fait, je pense que je suis aussi désireuse que vous de mieux comprendre comment la technologie façonne la conscience. C’est l’objet de ma recherche et de ma thèse et je commence tout juste à m’y mettre.
J’ai juste un peu d’expérience, pour avoir vécu neuf ans dans le territoire snuneymuxw, qui est juste au milieu de l’île de Vancouver dans la ville de Nanaimo. J’ai donc pu y former et bâtir des relations tout en élevant mes enfants et en m’efforçant de contribuer à la vie communautaire des familles autochtones d’ici.
En fait, les communautés autochtones présentes ici viennent de toute l’île de Vancouver. Il y a donc un certain nombre de communautés autochtones différentes qui sont représentées ici sur le territoire snuneymuxw. Ce ne sont là que quelques réflexions initiales issues de ma participation à la communauté, et nous avons également mené des projets de recherche et d’action communautaire très simples dans le cadre du laboratoire dont je fais partie, comme je l’ai mentionné.
D’une part, j’ai constaté que le concept de conscience a en fait un certain sens ici. Il semble que la conscience ne soit pas seulement la connaissance de soi et de ce qui nous fait progresser et régresser, mais qu’elle ne soit pas non plus seulement une perception générale de soi-même par rapport aux autres, dont on parle parfois quand on parle de conscience. Mais ici, il y a une sorte de conscience aiguë des nombreuses relations qui font partie du tissu de la vie communautaire. Et cela va souvent au-delà de la famille nucléaire et élargie. Ainsi, les familles sont très liées entre elles et la communauté joue un rôle très important. J’ai beaucoup de chance d’être acceptée dans la communauté dans une telle communauté.
Si donc, dans ce contexte, nous examinons les technologies qui ont été adoptées sans réserve depuis une dizaine d’années par de nombreuses cultures, y compris celles dans lesquelles je vis — comme les outils numériques comme les téléphones intelligents, et les tablettes, et les ordinateurs portables, les choses auxquelles nous faisions référence plus tôt… et même avec leurs applications correspondantes parce qu’il s’agit également d’outils matériels et logiciels — nous devons nous arrêter et réfléchir au fait que leurs caractéristiques ont généralement été conçues en pensant au consommateur adulte individuel. Et chacun de ces aspects est quelque chose de très important.
Par exemple, si vous prenez un téléphone intelligent, qu’une grande majorité des jeunes que je connais portent et utilisent, cet appareil n’a pas été conçu à des fins éducatives. Il a été conçu à des fins commerciales. Et souvent, la distraction et la dépendance sont des éléments majeurs et des moyens d’assurer leur viabilité sur le marché de la technologie. Ainsi, lorsque vous prenez un téléphone intelligent, et même s’il aide les jeunes à rester en contact les uns avec les autres, les éléments de distraction et de dépendance auxquels je fais référence sont très difficiles à combattre. Si vous pensez, par exemple, aux applications de médias sociaux avec les effets correspondants de dépression et d’anxiété et d’autres résultats qu’un certain nombre de recherches ont déjà été menées, et qui ont montré que ce sont là des choses auxquelles beaucoup de jeunes sont confrontés. Et plus que jamais, dans mes conversations avec les jeunes, et avec la pandémie qui pousse vraiment beaucoup de jeunes à s’isoler davantage, j’ai constaté que dans ces conversations, j’entends très souvent la mention spontanée qu’ils aspirent à défaire les habitudes liées à la dépendance aux médias sociaux, ce que je trouve très fascinant. Ce n’est pas quelque chose qui est apparu avant la pandémie, vous savez, aussi souvent que cela a été le cas depuis.
Dans ce contexte, j’ai donc vécu, vous savez, une période où nos systèmes d’éducation ont dû s’appuyer fortement sur les outils numériques. Ainsi, de mars à juin, je pense que dans tout le pays, tout le monde a dû transférer ses études en ligne. Et nous avons dû nous appuyer sur ces outils numériques et sur internet pour éduquer les masses de jeunes.
Je pense que c’est vraiment le défi auquel nous sommes confrontés en tant que société. Si nous nous appuyons davantage sur ces technologies, comment pouvons-nous réellement envisager ces technologies et leur utilisation, et réfléchir au développement de différentes formes de technologies qui nous aideront réellement dans notre éducation.
Mes recherches se concentreront sur un effort sur le terrain pour accompagner une communauté dans sa réflexion sur la richesse historique de ses propres technologies. Cela signifie qu’ils doivent se concerter sur l’intégration des technologies actuelles dans leur propre éducation, et même ouvrir des portes pour développer de nouveaux outils et méthodes qui promeuvent les valeurs qu’ils désirent perpétuer. Je pense que cela correspond en quelque sorte à l’ultime idée selon laquelle la capacité d’évaluation, d’innovation et d’adaptation technologiques doit être encouragée au sein même d’un peuple, et doit vraiment être prise en charge à ce niveau.
BRIAN : Taban, vous êtes comme une sœur de l’autre côté de… Je suis assis ici et je dis dans mon cœur : « Oh oui, continuez ! » Juste sur ce tout dernier point que vous faites… Un des défis, je pense, avec notre approche actuelle de l’éducation — qui est franchement différente de toute éducation dans de nombreux autres endroits du monde — est que lorsque nous pensons à la collectivité et à l’éducation, nous ne pensons qu’à l’État.
Et je pense qu’il existe d’innombrables autres exemples où une collectivité politique fournit en fait un espace, un terrain, un financement et des structures à d’autres collectivités au sein de cette collectivité politique plus large, pour éduquer leurs enfants d’une manière particulière, pour explorer certaines des choses dont Taban a parlé : différentes manières d’éduquer et différentes manières d’utiliser la technologie.
C’est le cas des Pays-Bas, d’où vient ma mère. Aux Pays-Bas, si vous êtes chrétien, ou si vous êtes bahá’í, ou si vous vous intéressez à l’approche Montessori ou Waldorf, ou si vous voulez explorer l’éducation en plein air, si vous avez une vision différente de l’éducation et que vous pensez que cette conception est bonne, et vous avez des voisins et d’autres personnes avec vous, l’État vous apportera un soutien à cet égard.
Il existe bien sûr encore des règlements appropriés et, vous savez, les gens doivent savoir lire et écrire. Mais la diversité et la pluralité sont bien plus grandes qu’au Canada. Et je pense que la technologie est l’une de ces choses. Il y a de plus en plus de gens qui réalisent ce que Taban vient de dire, c’est à dire que les technologies qui nous sont données, et qui sont souvent données à ces grandes collectivités qui peuvent prendre de grandes décisions d’achat — le gouvernement — des entités comme Google et ainsi de suite — et, ne vous méprenez pas, je suis un utilisateur et ils font toutes ces choses, mais elles sont conçues…
Nous avons publié un article dans Comment [Commentaire] intitulé « Habitudes de l’esprit et nature des distractions ». L’auteur Alan Jacobs cite quelqu’un qui dit que nous vivons dans un écosystème d’attention perturbée ; tout l’écosystème dans lequel nous travaillons. Nous voudrons peut-être penser à d’autres types d’écosystèmes dans lesquels nous voulons travailler ? Peut-être voulons-nous passer plus de temps à l’extérieur, comme à l’école de mes enfants où nous passons beaucoup de temps à observer la nature ? Peut-être voulons-nous passer plus de temps en contemplation tranquille ? Peut-être voulons-nous faire du sport ? Vous pouvez nommer d’autres choses. Il y a une variété et une diversité de communautés dans ce pays, et je pense qu’il est temps pour nous de permettre à ces communautés de s’épanouir et de s’instruire en quelque sorte, parce que je pense que la structure actuelle — et c’est particulièrement vrai pour les communautés autochtones — met les gens de côté et leur demande de mettre de côté ces parties de leur identité lorsqu’ils entrent dans cette école où ils reçoivent des informations, puis en sortent comme s’ils étaient eux-mêmes une puce informatique dans laquelle on pourrait mettre une clé USB. Et je ne pense pas que cela corresponde à la réalité humaine.
GEOFF : Oui. Brian, je me demande si on pourrait poursuivre un peu plus loin. Vous avez mentionné au début que vous envoyez vos enfants à des écoles indépendantes que vous décriviez comme un écosystème scolaire diversifié qui peut refléter les nombreux types de communautés qui existent au Canada. Et pour revenir à l’observation de Taban selon laquelle les technologies sont des outils qui s’inscrivent dans des valeurs — je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, Taban, mais c’est ce que j’ai compris — elles deviennent des outils qui s’inscrivent dans des valeurs et qui, à leur tour, propagent ces valeurs. Et il se peut que les écoles qui sont indépendantes du système public, en particulier celles qui essaient de véhiculer un ensemble de valeurs ou une vision du monde, soient plus conscientes du rôle que joue la technologie ou des valeurs qu’elle peut véhiculer.
Je voulais donc vous demander ce que vous pensez que le système d’enseignement public pourrait apprendre des choix technologiques qui sont faits dans les écoles indépendantes, ou dans les environnements d’éducation à domicile ?
BRIAN : C’est une bonne question. Je pense qu’ils pourraient apprendre, par le simple fait de son existence, qu’une école dite « privée » maintenant est en fait publique. Elle fait partie du public. Je suis un citoyen. Mes enfants sont des citoyens. Ils contribuent au bien public. Nos études ont montré que les diplômés des écoles privées contribuent beaucoup plus en termes de bénévolat caritatif au profit des communautés que l’école publique typique. Et je pense que l’une des raisons à cela est qu’ils comprennent ce que signifie faire partie d’une communauté qui a certains engagements qu’elle tient ensemble.
Donc, en ce qui concerne la façon dont cela se passe sur le plan technologique, le meilleur endroit pour commencer est probablement — cela va sembler très technique — mais en fait, il faut juste sortir. Je pense qu’il est possible d’apprendre à observer ce qui est au-delà de notre tête. Il existe un livre vraiment formidable écrit par un certain Matthew Crawford qui parle de ce que signifie devenir un individu ? Il dit qu’il faut en fait rencontrer quelque chose qui nous dépasse. Et je pense que la possibilité pour les enfants de passer du temps à l’extérieur pour observer — des choses que, franchement, d’autres communautés, y compris la communauté autochtone, font beaucoup mieux — serait un bon point de départ.
GEOFF : Très bien. Merci Brian. Hoda, je voudrais maintenant me tourner vers vous pour revenir sur le rôle que joue la communauté. Je m’appuie sur ces observations sur la façon dont la scolarisation peut devenir le reflet de la communauté. Vous savez que le rôle que les appareils ont joué — écrans, téléphones, ordinateurs, comme nous l’avons tous observé au cours de cette conversation — a généralement conduit à un plus grand isolement. Il a été associé à une augmentation de la dépression et à de mauvais résultats en matière de santé mentale chez les jeunes.
Nous vivons donc à une époque où nous avons cette discussion sur la façon dont la scolarisation pourrait être dispensée à l’aide d’appareils et d’écrans. Aujourd’hui, les parents, les familles et les communautés jouent un rôle important de médiation ou de contrepoids dans la vie des enfants. Souvent, vous savez, en tant que parents, que l’une des principales discussions que nous avons est de savoir combien de temps d’écran nos enfants devraient avoir. Combien de temps est sain ?
Alors, la question que je veux vous poser est, lorsque nous considérons le niveau de scolarisation en ligne, quel est le rôle des parents, et des familles, et des communautés, pour aider l’éducation à rester ancrée dans la société, ancrée dans la communauté, plutôt que juste une autre chose qui se passe sur un écran en ligne ?
HODA : Oui. C’est une question très utile à laquelle il faut réfléchir. Et je pense que le simple fait d’entendre toutes vos réflexions et tous vos commentaires a façonné ce que je pense que les communautés, les familles et les parents peuvent faire.
Je ne veux pas paraître très pessimiste, car je pense que lorsque nous parlons de technologie, de jeunes, d’éducation, nous avons aussi un peu tendance à décrire les pires scénarios, etc. Donc, je ne veux pas alimenter cette conversation. Mais en même temps, j’ai aussi le sentiment qu’avec la pandémie et le fait que nous, en tant que familles et communautés, vivons cette chose, appelée école, ou cet aspect de l’éducation en ligne, il semble qu’une part de plus en plus importante de ce dont nous avons besoin en tant qu’êtres humains, et de ce que nous aurions traditionnellement obtenu en étant en compagnie d’autres personnes, nous semble être substitué par nos interactions en ligne.
Je pense qu’au bout du compte, ce qui se passe en ligne, c’est l’engourdissement de la pensée et de la capacité de penser. Je pense donc au plus grand rôle que les parents, les familles et les communautés peuvent jouer lorsqu’il s’agit simplement d’avoir des conversations significatives entre eux, avec les enfants, où nous encourageons la réflexion, l’expression cohérente de la pensée, l’échange d’idées, l’exploration d’une certaine idée, d’une expérience. Parce qu’une grande partie de ce qui se passe dans notre esprit et dans l’esprit d’un jeune est de plus en plus remplie par ce à quoi il est exposé en ligne.
Juste à titre d’exemple, si vous pouviez, même pour une fraction de seconde, quantifier la pensée. Et dites, d’accord, s’il y a cent pensées dans ma tête, quel pourcentage d’entre elles proviennent de toutes ces sources d’information ? Et quels sont les fondements moraux de ce qui est dit ? Quel est le point de vue de l’individu ? Quelle est l’opinion de la société ? Quelle est l’opinion de la communauté ? Et disons que cela forme maintenant 70 % de ma pensée. D’accord. Alors, dans nos conversations, dans nos interactions avec les autres, cela peut-il devenir un peu moins ? Vous savez ? Est-ce que ça pourrait être réduit à 60 % ? 50 % ?
Parce que je pense que cela est réel jusqu’à un certain point. Parfois, quand je mets ma fille au lit — et cela peut finir par devenir le reflet de mes lacunes en tant que parent, mais je vais quand même donner l’exemple.
Elle est allongée là. Et elle est tellement plongée dans ses pensées, elle est juste allongée là à songer. Elle n’est pas encore endormie. Et je lui demande, « À quoi penses-tu Lua ? » Et vous savez, parfois elle dit des choses vraiment belles et significatives. Et d’autres fois, elle dit, « Tu sais, je pense juste aux Octonautes. » Et moi, je dis : « Les Octonautes ? » Il ne m’est jamais venu à l’esprit que l’émission qu’elle a regardée cet après-midi est dans ses pensées, vous savez ? Et c’est la pensée qui est rejouée. Et quel effet cela a-t-il si, de plus en plus, ce avec quoi mon enfant interagit se trouve dans cette catégorie de contenu.
C’est juste quelque chose dont, je pense, en tant que parents, nous ne voulons pas voir les effets, parce que cela peut sembler assez accablant. Et la réalité est que la technologie est tellement ancrée dans nos propres vies et dans celles de nos enfants que nous ne voulons pas ressentir de désespoir dans la situation actuelle. Nous voulons, au contraire, garder espoir et être en mesure d’agir. Et donc peut-être que l’une de ces premières mesures que nous pouvons prendre, bien sûr – la conversation, la consultation de nos familles, de nos proches, l’action – nous permettra toujours de voir ensemble quels sont les prochains pas à faire. Mais aussi, nous n’avons pas besoin de sentir que nous devons tous être des éducateurs certifiés pour pouvoir contrecarrer cette tendance. Alors que non seulement l’éducation, mais aussi tout ce qui nous entoure devient de plus en plus intégré en ligne, par opposition à nos interactions humaines, et dans nos communautés, et dans notre société au sens large, dans nos villes. Et que peut-être l’une de ces premières mesures que nous pouvons commencer à prendre sont des conversations significatives les uns avec les autres qui nous permettent d’explorer des idées qui vont au-delà des Octonautes. Et (rires), Paw Patrol. Pour, vous savez, si nous pensons à un enfant de cinq/six ans.
GEOFF : Eh bien, j’ai eu l’impression que c’était une de ces conversations significatives. Je me demande si l’un d’entre vous aimerait faire un dernier commentaire. Brian, j’ai vu que vous avez levé la main.
BRIAN : Ouais. Hoda, encore une fois, j’ai l’impression que vous êtes une sœur. Je vous écoute et je dis « Oui ! » Geoff, je suis tellement reconnaissant pour cette conversation, et d’avoir rencontré Taban et Hoda. Je pense que c’est une chose qui va être très controversée dans notre cadre public. Ce que Hoda vient de décrire, ce sont les types d’habitudes qui composent et façonnent la personnalité. N’est-ce pas ? La constante. Vous devenez la chose à laquelle vous pensez quand vous ne pensez à rien d’autre. Et si c’est aux Octonautes — et je n’ai rien contre les Octonautes.
HODA : Rien.
BRIAN : Non. Je, et donc, s’il vous plaît, ne… Je ressens la même chose. Je suis totalement d’accord avec vous sur ce genre de choses. Mais, si plutôt… Et une des raisons est que ça devient une habitude. C’est ce que nous faisons. Nous regardons cette émission. C’est ce moment, je veux mon temps d’écran. C’est le temps de regarder quelque chose à l’écran. Ou à l’école, « On va faire ça maintenant. » Et ça devient… Cela façonne votre personne.
Nous avons le profond, profond désir que notre cœur soit en… Et pas tout le monde, il y a des athées, et je voudrais les laisser libres aussi, mais les êtres humains sont spirituels. Et que vous soyez bahá’í, ou musulman, ou juif, chacune de ces traditions, les chrétiens ont cette tradition d’habitudes de prière, d’habitudes d’esprit, vous savez, être attentif, ou patient, ou réfléchir, et cela fait aussi de nous des êtres humains. Cela fait de nous le type d’êtres humains qui peuvent avoir des relations avec nos voisins, et qui peuvent être en désaccord les uns avec les autres dans la sphère politique, mais avec charité et justice.
Et pourtant, quand il s’agit de notre éducation, vous savez, dans le système dans lequel nous dépensons des milliards de dollars, et que nous consacrons une grande partie de la vie de nos enfants — cette dimension est absente. Même la réflexion sur la façon dont on façonne son caractère spirituel est absente.
Et donc je continue à me demander comment on peut répondre à cela et remplir cela ? Eh bien, je ne voudrais pas que l’État le fasse. Encore une fois, c’est une de ces choses, je ne veux pas que l’État dise aux gens de dire le Notre Père. Je pense que ce serait une erreur. Ce n’est pas comme ça que la religion doit être. Elle peut seulement être proposée, elle ne peut pas être imposée. Les gens doivent l’accepter. Mais je trouve inquiétant que nous ne soyons pas disposés à, vous savez, même avec les communautés autochtones, etc., nous commençons à nous inquiéter de toutes sortes de choses qui pourrait aller au-delà de ce type de transfert technique de connaissances. Et je pense que c’est une perte pour notre société et pour nos enfants. Et vous savez nous sommes loin de parler des Octonautes, mais c’est quelque chose que nous devrions… Je pense que cela souligne simplement le fait qu’il y a ce besoin de profondeur et de sens auquel nos écoles ne sont pas encore capables de répondre.
HODA : Oui. Brian, je suis d’accord parce que… Ça va, Geoff, si j’interviens ? Parce que c’est une chose de voir la religion comme une pratique. Et donc nous entrons dans… Nous pouvons reconnaître qu’il existe une grande diversité et nous ne pouvons pas imposer une pratique particulière à une autre personne.
L’exemple que vous avez donné, que vous ne voudriez pas que tout le monde ait à dire, vous savez, une prière qu’ils n’ont pas… Ce n’est pas vraiment un reflet fidèle de ce que leur cœur et leur âme pensent. Mais lorsque nous considérons la religion — et cela rejoint le point précédent de Taban — comme un système de connaissances, quel genre de connaissances la religion peut-elle nous apporter ?
Une partie de ce qu’elle nous aide à faire est de comprendre la nature humaine. Par exemple, qui sommes-nous en tant qu’êtres humains ? Quand nous disons que les êtres humains sont résistants, eh bien, d’où cela vient-il ? Comment se fait-il que nous puissions reconnaître tant de pouvoirs qui viennent de l’esprit humain, mais que nous ne parvenions pas à le relier à l’âme même qui donne à cet esprit humain ces pouvoirs spirituels ; des pouvoirs de résilience, des pouvoirs de compassion, des pouvoirs d’amour.
Et donc, je pense qu’avec l’éducation, c’est particulièrement lamentable parce que lorsque nous ne sommes pas capables de reconnaître la dimension spirituelle, la nature spirituelle d’un être humain, alors la pratique de l’éducation, qui consiste à éduquer cet être humain, passe à côté de toute une dimension de ce qui peut être nourri au sein d’un individu pour le rendre tellement plus capable de contribuer à un environnement dans lequel nous pourrions tous prospérer.
Donc, même si nous mettons cette conversation de côté pendant un certain temps et que nous disons, d’accord, non, nous ne parlons pas de pratiques religieuses ; des pratiques qui, vous savez, sont enracinées dans la diversité qu’est le Canada. En fait, regardons simplement la jeune personne qui, nous l’espérons, est en train de s’instruire. Eh bien, quel type d’éducation convient à un être humain qui n’est pas seulement un être social, ou un être physique, mais aussi un être spirituel ? Quel genre d’effet cela aurait-il sur la façon dont nous conceptualisons l’éducation ?
GEOFF : Merci Hoda. Taban, avez-vous des réflexions finales ?
TABAN : Non. Je veux juste réitérer ce que nous avons tous deux mentionné. J’ai beaucoup aimé vous entendre tous les deux, et vraiment, vous êtes comme un frère, Brian.
HODA : Oui, tout à fait.
TABAN : Merci beaucoup. Quelle joie d’entendre vos réflexions et vos explorations!
HODA : Oui. Je suis d’accord.
GEOFF : Merci à vous trois d’avoir participé à cette conversation aujourd’hui. Elle a été éclairante et instructive et j’espère que vous transmettrez ma gratitude à vos familles et à vos enfants également. Je sais qu’ils sont là même si nous ne pouvons pas les voir derrière vous en ce moment.
HODA : Merci de nous avoir reçus.
BRIAN : Merci, Geoff. C’est un honneur.
TABAN : Merci. Merci.
GEOFF : Merci.