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Balado : Le discours public

Épisode 1 : Repenser et reconstruire

Nous discutons avec Shahrzad Sabet et Akaash Maharaj de ce que les principes et les concepts — comme l’unité, l’amour, la justice et l’égalité — peuvent contribuer à l’orientation de notre réflexion sur la reconstruction après la COVID-19. Shahrzad Sabet est chercheur à l’Université de New York et Akaash Maharaj est le PDG du Mosaic Institute.
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Le texte a été édité par souci de concision et de clarté.

GEOFF CAMERON (Directeur, Bureau des affaires publiques) : Je suis ravi que Akaash Maharaj et Shahrzad Sabet se joignent à moi cette édition du Discours public. C’est le premier épisode de notre nouvelle série sur la reconstruction collective, durant laquelle nous commencerons à regarder vers l’avenir au-delà de la COVID-19. Akaash s’est déjà joint à nous à une autre occasion, mais c’est la première fois que Shahrzad participe à ce podcast.

Je me demande donc si vous pourriez vous présenter brièvement. Peut-être en commençant par Shahrzad ?

SHAHRZAD SABET (Chercheur, Institut de la connaissance publique, Université de New York) : Bien sûr, je m’appelle Shahrzad Sabet. Je suis politologue. Je suis à l’Université de New York à New York. Mes recherches actuelles se concentrent principalement sur les tensions conceptuelles et philosophiques entourant l’identité sociale, ainsi que sur les intersections de ces tensions plus conceptuelles avec la recherche empirique en psychologie sociale.

Je suis aussi une nouvelle maman. J’ai une petite fille de huit mois. Cela me tient donc très occupée et me divertit beaucoup ces temps-ci.

GEOFF : Je suis si heureux que vous ayez pu vous joindre à nous Shahrzad. Et Akaash pour nos fidèles auditeurs, vous n’aurez pas besoin de vous présenter, mais peut-être pourriez-vous le faire pour tous les autres.

AKAASH MAHARAJ (PDG, Mosaic Institute) : Pour vos auditeurs infidèles [rires]. Merci de m’avoir invité, Geoff. Je suis ravi d’être de retour. Je m’appelle Akaash Maharaj. Je suis PDG du Mosaic Institute. Mosaic est une organisation à but non lucratif basée à Toronto qui travaille à la construction de la paix et à la résolution des conflits internationaux. Elle opère principalement par le biais de la diplomatie « Track Two », qui consiste à réunir des gens ordinaires, en particulier des membres de communautés de la diaspora issus de camps opposés dans un conflit international, à promouvoir le dialogue entre eux et, par ce biais, à essayer de construire ce sentiment de compréhension mutuelle, ainsi que des stratégies de coexistence pacifique. Notre travail est basé sur l’idée très canadienne que nous sommes tous mieux ensemble, et parfois nous avons juste besoin d’un peu d’aide pour découvrir cette vérité.

GEOFF : Eh bien, merci encore de vous joindre à nous. Akaash, je pense que je vais commencer par vous. La dernière fois que nous avons parlé, nous nous sommes concentrés sur les questions du leadership et de la politique publique, et vers la fin, nous avons commencé à discuter de ce nous devrions faire pour repenser et reconstruire les choses après cette crise. Comme je l’ai déjà mentionné, cette nouvelle série du Discours public est plus directement axée sur ces questions. Vous savez, une crise comme celle que nous traversons peut avoir pour effet de nous aider à clarifier nos valeurs communes, elle peut révéler comment nos actions — tant individuelles que collectives — ne sont pas à la hauteur de ces valeurs.

Alors que nous sortons des mesures de confinement immédiat et que nous commençons à envisager la suite des choses pour notre société, je voulais donc vous demander quels sont, selon vous, les principes fondamentaux qui doivent guider notre réflexion.

AKAASH : Je pense que c’est une très bonne et très profonde question. Car même si la pandémie a amené pratiquement tout le monde à s’arrêter et à faire le point sur les questions, par exemple, que ferons-nous ensuite ? À quoi ressemble la nouvelle normalité ? Comment nos institutions nous ont-elles servi ou ont-elles échoué ? Je pense que, en tant que société, ainsi qu’en tant qu’individus, nous n’avons pas pris assez de temps pour prendre encore un peu de recul et réfléchir aux valeurs et principes fondamentaux qui devraient nous guider sur ce territoire vraiment inexploré.

Il y en a quelques-uns qui me frappent. L’un d’eux est un peu un cliché, mais j’espère que nous irons au-delà de ce cliché, et c’est que la pandémie nous a révélé le fait que nos intérêts en tant qu’individus sont totalement liés au bien-être de tous les autres membres de la société.

Le deuxième est que je pense que nous devons mieux cultiver la société canadienne en particulier — et toutes les sociétés du monde — en tant que véritables méritocraties. Nous entendons souvent parler de méritocratie, et ce terme est souvent utilisé par les gens qui veulent dire : « J’ai gagné ce que j’ai, et je devrais donc pouvoir garder ce que j’ai ». Je pense que c’est regarder la méritocratie du mauvais côté. Une méritocratie devrait être une société dans laquelle tout le monde a une chance égale de réussir. Mais elle doit aussi être une démocratie dans laquelle ceux qui bénéficient le plus de la méritocratie portent proportionnellement la plus grande responsabilité dans le soutien de cette méritocratie.

Le troisième est — si ce n’est un principe exclusivement canadien, je pense qu’il est un principe typiquement canadien — et c’est que nous devons trouver le courage de nous voir tels que nous sommes, plutôt que tels que nous nous nous imaginons. Nous sommes devenus, au cours de ma vie, une société beaucoup plus caractérisée par l’inégalité, et cela risque de devenir une structure. Il n’y a pas moyen de résoudre ces problèmes si nous ne reconnaissons pas qu’il y a un problème.

Je dirais que le quatrième est une question qui va à l’encontre de notre nature de Canadiens, à savoir que nous devons rassembler le courage nécessaire pour être prêts à accepter un changement révolutionnaire, et non un changement évolutif. Nous sommes une société évolutive. Nous avons eu des rébellions, mais nous n’avons jamais eu de révolutions. Et les Canadiens sont intrinsèquement conservateurs ; par là, je ne veux pas dire de droite, mais prudents. Nous nous méfions des changements radicaux, nous sommes conscients du coût et des risques, mais je pense que nous sommes arrivés à un moment de l’histoire où nos institutions, surtout en cette période d’épreuve, ont démontré qu’elles n’étaient pas bien adaptées pour nous faire traverser des crises. Et ce n’est pas la dernière crise à laquelle nous serons confrontés. Si nous voulons nous préparer à la prochaine crise, nous devons être prêts à courir le risque de refaire fondamentalement nos institutions, sinon nous aurons la certitude d’être dotés d’institutions qui sont fondamentalement inadaptées pour diriger une société pluraliste au XXIe siècle.

Et je suppose que la dernière chose que je dirais est que nous devons combattre l’impulsion de nous gouverner et de prendre nos décisions sur la base de ce qui s’est passé au cours du dernier cycle d’information de 24 heures. Les problèmes qui nous assaillent aujourd’hui sont des questions qui seront jugées par l’histoire, et non par les nouvelles du soir et certainement pas par les « tweets ». Et cette attitude de jugement de l’histoire nécessite en partie une volonté de sacrifice dans notre propre vie.

GEOFF : C’est une excellente façon de commencer. Merci Akaash. Je voudrais revenir sur certains des thèmes que vous avez mentionnés concernant l’interdépendance et l’équité et poser une question à Shahrzad dans ce sens. Vous savez, au cours des derniers mois, nous avons vécu cette situation paradoxale où nous avons été confrontés à notre unité essentielle en tant que famille humaine, ainsi qu’aux profondes divisions qui continuent d’exister dans notre société. La pandémie est elle-même une sorte de métaphore de notre interdépendance, et pourtant ses effets — comme vous l’avez mentionné Akaash — n’ont pas été ressentis de manière uniforme. Le Canada n’a pas systématiquement recueilli de données basées sur la race, mais des rapports anecdotiques indiquent que les groupes marginalisés, dont les travailleurs migrants, ont été parmi les plus touchés. En même temps, nous avons vu cette résurgence de protestations réclamant une justice raciale et une réforme de la police.

Donc, dans ce contexte : Shahrzad, je sais que ce sont des questions auxquelles vous pensez au niveau conceptuel et philosophique, et qui ont une application directe aux défis auxquels nous sommes confrontés en tant que société. Que diriez-vous de la nécessité de repenser la relation entre nos points communs et nos différences ?

SHAHRZAD : Permettez-moi tout d’abord de remercier Geoff pour son invitation à participer à cette intéressante conversation.

Oui, cela a été un moment particulièrement paradoxal et je pense révélateur, dans le sens que vous décrivez, certainement ; et comme Akaash l’a noté au début. Au niveau de notre bien-être physique ou matériel, notre interdépendance en tant qu’humanité n’aurait pas pu être plus évidente qu’elle ne l’a été ces derniers mois. Mais je pense qu’une crise mondiale de cette ampleur amplifie également nos points communs les plus profonds, notre réaction à la mort et à la maladie, et à l’injustice, nos aspirations fondamentales en tant qu’êtres humains à la noblesse et à l’espoir, notre sensibilité aux agitations pour la justice et à la solidarité qui se manifeste autour de nous. Mais d’un autre côté, comme vous le soulignez également, ces mêmes mois ont également amplifié l’importance de nos différences. Les inégalités structurelles et le racisme systémique, comme vous l’avez mentionné, ont tragiquement déterminé qui a été le plus touché par le coronavirus.

Le meurtre de George Floyd aux États-Unis nous a rappelé, une fois de plus, le racisme institutionnalisé dévastateur qui traverse, en réalité, pratiquement toutes les facettes de notre société. Du système de justice pénale, certes, mais aussi des soins de santé maternelle, aux préoccupations environnementales. Je pense qu’il peut sembler évident pour beaucoup d’entre nous que la reconnaissance de nos points communs devrait aider à réparer d’une manière ou d’une autre les ravages de nos différences, mais en fait, tant en pensée qu’en pratique, la réconciliation de notre unité et de notre diversité a été un défi constant.

Une grande partie de ce problème, je pense, est que les concepts qui en sont venus à représenter notre humanité commune ne sont pas à la hauteur de ce défi. Ils sont soit, au pire, déformés, ou inadéquats, soit, au mieux, incomplets. À l’extrémité la plus déformée de la gamme - pensez, par exemple, à ce que le terme « cosmopolitisme » en est venu à représenter dans le discours public, certes, mais aussi, dans une certaine mesure, dans la philosophie politique. L’idée de cosmopolitisme est traditionnellement associée à la notion de notre humanité commune, mais le terme en est venu à représenter de plus en plus une forme d’élitisme. Beaucoup le considèrent comme une identité tribale d’exclusion de plus. Dans ce cas, la tribu exclusive de choix, pour ainsi dire, d’une élite souvent distante, hypermobile, hyperprivilégiée, typiquement urbaine.

Donc, paradoxalement, je pense que pour reconnaître de manière utile notre diversité, ce que nous devons faire est en fait de nous appuyer beaucoup, beaucoup plus fortement sur notre unité pour cultiver une identité universelle authentique et profondément ressentie, ou un sentiment d’appartenance universelle. Pour apprécier ce point, ce point peut-être contre-intuitif, je pense qu’il est utile de penser à ceux avec qui nous avons des liens personnels d’amour ; des liens de profonde empathie ou de solidarité. Nous sommes certainement incités à honorer et protéger les aspects universels de leur personnalité, mais nous sommes également incités à reconnaître de manière significative notre caractère distinctif. Nous sommes attentifs aux fardeaux particuliers qu’ils ont portés. Nous voulons comprendre tous les contours de leurs expériences et de leurs perspectives particulières. C’est ce que nous appelons la reconnaissance empathique de la différence, qui sera essentielle, je pense, pour remédier aux inégalités et aux injustices catastrophiques auxquelles nous sommes confrontés. Ces reconnaissances empathiques de notre diversité découlent beaucoup plus naturellement de liens identitaires et d’amour plus robustes et plus chargés de sentiments, que d’engagements plus faibles, rationnels, et beaucoup plus sobres sur le plan émotionnel, en faveur d’une égalité humaine abstraite.

GEOFF : Merci Shahrzad. Vous semblez tendre vers le rôle que joue l’amour ou l’empathie pour nous aider à nous sentir plus proches les uns des autres. Non seulement en dépit de nos différences, mais parfois aussi à cause d’elles. Je veux continuer sur ce point avec Akaash. Akaash, vous dirigez le Mosaic Institute, qui, comme vous l’avez mentionné, s’efforce de rassembler les gens pour qu’ils parlent de leurs différences ; et vous avez organisé un dialogue permanent sur les relations raciales en Ontario.

Je sais que le rapport n’a pas encore été publié, mais je me demande quelles idées se dégagent de ce travail qui, selon vous, peuvent nous aider à naviguer certaines des questions évoquées par Shahrzad ?

AKAASH : Je pense que Shahrzad a très bien formulé le défi. Et si je peux le reformuler de mon point de vue, l’idée que nous avons de qui nous sommes, de qui nous reconnaissons comme amis, de qui nous reconnaissons comme l’un des nôtres et l’un des leurs, se retrouve souvent chez des gens comme moi qui vivent cela, qui y travaillent et qui en parlent. C’est souvent formulé et pensé comme un exercice intellectuel. Quels sont les droits et responsabilités partagés ? Quelles sont les aspirations politiques qui nous lient ? Quels sont les documents auxquels nous avons contribué et, ce faisant, partagé la paternité du contrat social qui nous définit en tant que peuple ? Et je pense toujours que ces documents sont très importants, mais ils sont arides. Et finalement, les questions « Qui sommes-nous » et « Qui suis-je » sont des questions fondamentalement émotionnelles plutôt que rationnelles. Je suis donc d’accord avec elle pour dire que nous devons trouver un moyen d’approfondir ce sentiment d’identité commune que nous avons tous, au-delà de l’identité transactionnelle que représente le fait d’être participant à une économie, ou des idées politiques qui consistent à avoir un ensemble de principes communs qui nous lient.

En fin de compte, non seulement sommes-nous des créatures émotionnelles, mais notre lien avec les autres est profondément personnel. Je suppose donc que le défi, dans une société très hétérogène et pluraliste, est de savoir comment cultiver ce sens de l’émotionnel, ainsi que du rationnel, que nous portons entre nous. Et surtout avec des gens qui sont très, très différents de nous.

Je suppose donc que lorsque nous sortirons du coronavirus, la question sera la suivante : comment, en tant que sociétés, trouverons-nous les moyens de faire participer les individus, les communautés et les nations à des activités communes qui nous aident tous à sentir que nous avons accompli quelque chose ensemble parce que nous sommes quelqu’un ensemble ? Et je pense, je dirais en termes très généraux que c’est l’une des raisons pour lesquelles je pense que nos institutions démocratiques ont besoin d’une refonte fondamentale, parce que ce sont ces institutions qui devraient vraiment rassembler les Canadiens, mais de plus en plus, ce sont des institutions et des pratiques qui nous séparent. Surtout dans un pays où il est possible d’obtenir une majorité absolue avec trente-cinq pour cent des voix. Nous devons plutôt trouver des moyens pour que les nouvelles institutions fassent de la démocratie plus qu’une simple façon d’élire les gouvernements, mais une façon de nous gouverner réellement.

S’il existait des moyens pour les Canadiens de différents horizons, de différentes ethnies, de différentes cultures, de se donner la main, de travailler ensemble, d’être en désaccord passionnément les uns avec les autres, mais de parvenir ensemble à une conclusion qui façonne notre pays, je pense que cela ne ferait pas que démontrer les idéaux politiques qui nous définissent en tant que Canadiens - cela cultiverait le lien émotionnel qui fait de nous un seul peuple.

Mais je ne pense pas que nous puissions tenir pour acquis que cela va se produire parce que nous sommes Canadiens et que nous voulons bien faire. L’inclusion est autant une compétence qu’un ensemble d’idéaux. Et c’est une compétence qui doit être pratiquée, sinon elle sera perdue.

GEOFF : Vous savez, je suis heureux, Akaash, que vous ayez fait ressortir ce thème que nos liens émotionnels les uns avec les autres soient aussi importants que ce que nous pourrions considérer comme des liens intellectuels ou idéalistes que nous avons les uns avec les autres. Je veux dire que c’est une caractéristique intéressante de ces manifestations qui ont balayé non seulement les États-Unis et le Canada, mais aussi de nombreux pays du monde entier. Qu’elles aient été, d’une certaine manière, déclenchées en partie par vidéo ; cela a exposé au grand public une sorte de réalité vécue par une partie de la population aux États-Unis, et peut-être aussi dans d’autres pays. C’était comme si on enlevait un voile des yeux de la société sur le fait qu’une partie de la population était traitée différemment.

Nous avons vu des vidéos similaires paraître au Canada, et je pense qu’elles contribuent à une prise de conscience générale de la disparité qui existe entre les autochtones et les non-autochtones au Canada. Il est donc intéressant de constater que cette période d’isolement qu’Internet, qui nous segmente notoirement en fonction de nos mondes individuels, nous a également connectés émotionnellement autour d’une question de profonde injustice.

Dans ce contexte, la question est peut-être de savoir quelle est la prochaine étape. Comment cela va-t-il ensuite émerger du monde numérique pour devenir réalité ? Shahrzad, je me demande si vous avez des réflexions à ce sujet.

SHAHRZAD : Oui. C’est en fait une excellente question.

Je pense qu’une chose que nous devons en quelque sorte retourner dans notre esprit est cette idée que notre humanité commune, l’unité de l’humanité, le cosmopolitisme, quelle que soit l’étiquette que vous voulez lui donner, que son domaine est quelque chose qui dépasse nos frontières, ou qu’il est au-delà de nos frontières, ou qu’il s’agit d’un espace transnational auquel les masses de l’humanité n’ont pas accès. Je pense que c’est une distorsion complète du concept. Je pense que l’unicité de l’humanité est quelque chose qui s’exprime, et qui devrait trouver son expression dans nos quartiers ; dans les expériences concrètes très colorées et très texturées que nous avons tous, que nous ayons un passeport international ou non.

Je veux dire que nous parlons chacun de notre propre expérience. Je suis membre de la communauté bahá’íe et je pense qu’il est en fait assez remarquable de voir comment ce genre de tensions intellectuelles profondes et de longue date entre le local et l’universel, dans une large mesure, trouvent une résolution dans les activités de la communauté bahá’íe. Le principe fondateur de la foi bahá’íe, pour quiconque s’y connaît, est l’unité de l’humanité, mais le type d’activités qui en découle pour les bahá’ís est en fait très local. Elles sont axées sur les quartiers. Elles sont axées sur les problèmes et les défis particuliers que les populations ressentent dans leur situation immédiate très concrète.

Je pense donc que nous pouvons faire un pas pour dissocier cette notion d’universalité, ou d’unicité, de quelque chose d’abstrait, ou de quelque chose qui est en dehors de notre expérience concrète, nous pouvons trouver des éléments de notre humanité commune avec les gens qui sont dans notre environnement immédiat. En fait, je pense que c’est là que nous devrions chercher. Nous devrions chercher à nous lier d’amitié avec les gens qui nous entourent.

Cela ne veut pas dire — et je reviens à ta question Geoff — que ce genre de forces universalistes comme Internet et l’élimination des barrières à la communication ne contribuent pas à notre conscience en tant qu’humanité commune. Bien sûr qu’elles le font, et elles sont essentielles. Et je pense qu’elles ont également changé de manière irréversible notre conscience en tant que membres de la race humaine. Mais elles complètent, de manière très étroite et dynamique, les choses qui se passent localement autour de nous. Je pense donc que nous devons non seulement nous adapter, mais peut-être révolutionner notre façon de penser à des choses comme le cosmopolitisme et réaliser que ces choses ont tout autant de pertinence et d’application à la base, dans notre discours national, que dans notre discours international, ou sur le plancher aux Nations Unies.

GEOFF : Merci Shahrzad. Je voudrais maintenant ramener cela à Akaash, en réfléchissant simplement sur ce point que Shahrzad met en avant sur les façons dont le cosmopolitisme, ou l’universalisme, trouve son expression dans nos propres quartiers ou nos propres communautés - et pour revenir sur cette question des relations raciales en Ontario que je sais que Mosaic a étudiée. Est-ce un thème qui est ressorti de l’étude que vous avez menée ? Sinon, quels sont les autres thèmes qui ressortent sur la façon dont les gens perçoivent le défi des relations interraciales en Ontario et sur les moyens de favoriser des relations interraciales plus harmonieuses ?

AKAASH : Eh bien, ce que nous constatons, c’est que les relations raciales au Canada sont beaucoup plus, je dirais, irrégulières, que ce à quoi les gens pourraient s’attendre. On a l’impression qu’il y a une majorité ethnique de personnes venant en grande partie d’Europe, et des minorités ethniques de l’autre côté. Certes, on peut diviser la population de cette façon, mais l’expérience des différents groupes de minorités ethniques varie radicalement. Certains groupes ont eu beaucoup plus de succès que d’autres, et il y a des tensions. Ce serait une erreur de croire que les tensions raciales au Canada sont purement des tensions entre la majorité et les minorités collectives. En fait, il existe également des tensions entre les groupes ethniques minoritaires, et ces tensions tendent à être les plus fortes entre les groupes qui ont relativement bien réussi et ceux qui ont relativement moins bien réussi. Nous avons tendance à reproduire ces tensions.

Malheureusement, j’ai l’impression que beaucoup de gens qui réclament la justice sont trop prompts à définir la justice comme une justice pour eux-mêmes. Ils sont conscients des injustices qui leur sont faites, mais sont souvent aveugles aux injustices qu’ils font subir aux autres. Et je pense que cela deviendrait un problème croissant pour notre pays s’il n’est pas traité de manière adéquate. L’amélioration des relations entre les races au Canada signifie également une amélioration des relations entre les groupes minoritaires, ainsi que collectivement entre les groupes majoritaires et les groupes minoritaires.

Je pense qu’en outre — c’est un défi particulièrement canadien — notre pays n’a pas eu de taux de fertilité de remplacement depuis 1971. Par conséquent, toute la stabilité de notre population et toute la croissance de notre population sont en grande partie le fruit de l’immigration. Je pense que la plupart des Canadiens le savent, mais ne sont peut-être pas prompts à comprendre ce que cela signifie. Et c’est la question fondamentale, la question fondamentale souvent non dite, c’est de savoir à qui appartient ce pays de toute façon. Et la réponse à cette question est que c’est à la fois notre pays à tous et le pays de personne. Quand je dis le pays de personne, je veux dire qu’il n’est pas le pays d’un groupe. Et si cela représente une sorte d’idéal politique, il est difficile à vivre en pratique.

Je pense que c’est un défi qui est à notre portée, et je suis d’accord pour dire que la reconnaissance de notre humanité commune n’a de sens que si nous lui donnons une application ; et cela commence toujours dans notre environnement immédiat. Dire que nous reconnaissons notre humanité commune, mais que nous n’en faisons rien, et que nous n’en faisons rien avec les personnes avec lesquelles nous avons le plus d’interactions, eh bien c’est tout simplement de l’hypocrisie abjecte. C’est se replier sur une sorte d’idée intellectualisée stérile selon laquelle il existe quelque chose qu’on appelle l’égale dignité, mais si nous ne sommes pas prêts à donner aux personnes assises à côté de nous leur part d’égale dignité, alors nous ne sommes pas cosmopolites, nous ne découvrons pas notre humanité commune. En fait, nous fuyons nos voisins par l’intermédiaire de l’abstraction.

GEOFF : Eh bien, ce sont des commentaires très perspicaces sur la justice que vous avez faits au début de vos remarques Akaash, et puis votre lien avec l’immigration mène à une question que je voulais poser à Shahrzad. Vous savez, je pense que nous assistions déjà avant cette pandémie à une montée du nationalisme et de la xénophobie dans le monde entier. Je ne pense pas que le Canada ait été épargné par cette tendance, malgré le fait que nos taux d’immigration soient relativement élevés et bénéficient d’un soutien public important. Pourtant, l’une des réponses à cette pandémie a été la fermeture des frontières, l’arrêt temporaire des arrivées de réfugiés et de nouvelles barrières à la circulation internationale des non-citoyens. Il y a donc eu de nouvelles mesures importantes de fermeture, qui ont en quelque sorte commencé avant la pandémie, mais ont trouvé une nouvelle justification dans la pandémie elle-même.

Et donc, en me basant sur vos remarques, je me demande, Shahrzad, comment nous pouvons penser à la notion de solidarité mondiale au sortir de cette crise. À la lumière des tendances et des mouvements mêmes qu’Akaash vient de mentionner ?

SHAHRZAD : Oui. C’est une question très importante, je pense, et de manière significative, comme vous le soulignez, ces mouvements vers la fermeture précèdent la pandémie et quelles que soient les raisons sanitaires ou pandémiques que nous pourrions avoir pour les expliquer. Nous voyons ces mouvements — généralement, comme vous l’avez mentionné — s’accompagner de xénophobie et souvent d’angoisses liées à l’identité dans le monde occidental depuis plusieurs années, qu’il s’agisse du vote de la Grande-Bretagne pour quitter l’Union européenne ou de la campagne menée aux États-Unis pour construire un mur physique le long de la frontière sud.

L’un des liens intéressants qui, je pense, s’expriment dans ces cas est la relation étroite entre l’identité, d’une part, et le sentiment de sécurité ou de sûreté, d’autre part.

Il est intéressant de constater que mes recherches — qui s’inspirent largement de la psychologie sociale et politique — montrent que seule une identité collective globale ou universelle offre un contexte de sécurité profonde et fondamentale à toutes nos autres identités sociales particulières. Et je pense qu’il y a de bonnes raisons logiques ou conceptuelles à cela. Tout d’abord, contrairement à pratiquement toutes les autres identités sociales, une identité collective universelle n’a pas de limites. Elle ne vient littéralement avec aucune notion de l’autre ; elle ne comporte pas d’autre. En tant qu’identité sociale, elle est également tout à fait unique parce que les paramètres de son inclusion ne sont pas, ou du moins pas nécessairement, construits socialement.

Donc, au moment où nous sortirons de cette pandémie, quelle que soit la forme que prendra cette crise qui a mis en évidence de manière si spectaculaire notre interdépendance, je pense que l’une des questions clés que nous devrons nous poser est la suivante : comment pouvons-nous cultiver le sentiment d’appartenance fondamentalement sûr dont nous avons besoin en tant qu’êtres humains, étant donné ces conditions, qui, je pense, sont dans une large mesure maintenant irréversibles, de profonde interdépendance ? Je pense que notre réponse à cette question doit être différente de celles que nous avons données dans le passé.

GEOFF : Akaash, je voudrais maintenant me tourner vers vous. Je reprends ce discours sur l’identité auquel Shahrzad a fait référence, ainsi que certains de vos commentaires précédents sur la façon dont nous nous parlons. Je pense que pour tous ceux qui ont prêté attention aux médias sociaux, ou à Twitter, ou aux nombreux journaux que nous pourrions lire, il y a une conversation actuelle sur la façon dont nous nous parlons, y compris sur la nature de la liberté d’expression. Et d’une certaine manière, c’est une conversation qui a lieu depuis des siècles. Mais elle prend aujourd’hui de nouvelles caractéristiques. D’une manière ou d’une autre, pour continuer à travailler ensemble à la construction d’une société meilleure, nous allons devoir apprendre à nous engager dans une conversation publique de bonne foi où nos intellectuels ne tracent pas de frontières tribales autour d’eux, comme l’a fait Shahrzad.

Alors, puisque la promotion du dialogue est un élément central de votre propre travail, que pensez-vous des principes et des approches qui peuvent nous permettre d’avoir des conversations constructives sur les défis de notre temps ? Sans avoir recours à ce genre de disputes tribales qui font parfois l’objet de reportages dans nos magazines et journaux.

AKAASH : C’est certainement l’une des questions de notre temps. Je me souviens de l’époque où Internet venait d’arriver à maturité et où l’on supposait aveuglément que le simple fait de pouvoir se parler plus facilement, plus efficacement, à moindre coût, créerait nécessairement des liens plus forts entre les gens du monde entier ; et ce n’est manifestement pas le cas.

Internet a simplement amplifié les bons et les mauvais côtés de la société, et les a accélérés. Il a aidé ceux qui souhaitent rassembler les gens et ceux qui souhaitent les séparer. C’est comme une force de la nature. Elle est tout à fait amorale. Elle n’est pas immorale, mais elle est amorale. C’est un pouvoir qui peut être utilisé soit pour le bien, soit pour le mal. Je suppose donc que la question est la suivante : dans ce contexte, comment pouvons-nous orienter les choses pour que ce pouvoir soit exploité et utilisé à des fins constructives ?

Je pense que la dernière chose que je dirais est qu’il existe une dangereuse hypothèse selon laquelle les personnes qui utilisent la liberté d’expression pour tirer les autres vers le bas ne sont que de mauvaises personnes ; et nous ne sommes pas de mauvaises personnes. Par conséquent, il suffit que nous ne soyons pas comme ça et tout ira bien. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas de super-méchants qui se cachent dans les tanières des volcans et qui caressent des chats blancs, ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne. Le mal qui est à l’étranger est le mal qui est en nous, et le contraire du bien n’est pas nécessairement le mal, le contraire du bien peut être de bonnes intentions. La capacité à rassembler les gens, la capacité à s’engager les uns avec les autres, c’est une compétence, et c’est une compétence qui va au-delà du simple fait d’avoir de bonnes intentions.

J’entends souvent les gens penser ou dire : « Je n’ai rien contre ce groupe, ces autres personnes, tout devrait donc bien aller ». Vous pouvez avoir l’impression de n’avoir rien contre eux, mais si vous n’avez pas l’empathie, les compétences et la pratique nécessaires pour traiter avec des personnes qui ne sont pas comme vous, il y a de fortes chances que vous traitiez ces personnes comme si vous aviez quelque chose contre elles, même si vous ne le savez pas.

L’Internet, et en particulier des choses comme Twitter qui, à mon avis, n’est qu’un gouffre, a encouragé les gens à se prononcer, à faire connaître leurs opinions au monde entier ou à afficher ce qu’ils ont mangé au déjeuner. Mais la vérité est que même le plus grand d’entre nous a beaucoup plus à apprendre des autres qu’il n’a à enseigner aux autres, et un bon dialogue commence et se termine par l’écoute, et non par la parole.

GEOFF : J’apprécie que vous mettiez l’accent sur la responsabilité personnelle qui est implicite dans la construction d’un discours public sain. J’ai entendu des échos de cette citation de Soljenitsyne sur « la ligne entre le bien et le mal qui traverse le cœur de chaque homme », dans vos propres remarques. Le fait de diviser le monde entre le bien et le mal n’est pas une manière productive de développer un discours public sain, mais plutôt le fait de réfléchir à la posture et à l’orientation que nous y apportons nous-mêmes est le meilleur moyen de promouvoir ce que nous recherchons.

AKAASH : Et même si nous regardons les maux du passé, je pense que cela encourage souvent les gens à adopter une sorte d’autosatisfaction. « Je ne suis pas comme ces gens qui ont commis ces terribles crimes dans le passé. » Cela devrait nous inculquer un profond sentiment d’humilité, parce que tous ces gens qui ont commis les pires crimes du passé pensaient qu’ils faisaient la bonne chose ; et nous pensons que nous faisons la bonne chose.

Nous devons avoir l’humilité de nous l’avouer à nous-mêmes, de l’avouer aux autres, et de pouvoir voir d’autres points de vue même si nous nous sentons sûrs de nous. L’une des raisons pour lesquelles je suis un grand fan de la démocratie, en pratique comme en théorie, n’est pas seulement parce que je pense qu’elle est le meilleur instrument vers des sociétés justes et prospères — je pense qu’elle l’est — mais aussi parce qu’elle met en évidence le fait que la sagesse de la société réside dans le grand nombre et non dans le petit nombre.

J’ai mes héros personnels. Des gens comme Martin Luther King Jr, ou Mahatma Gandhi, ou Nelson Mandela ; c’étaient tous de grands hommes. Mais pour chaque Gandhi, il y a un Staline. Lorsque nous investissons autant de pouvoir dans les individus, nous jouons un jeu dangereux, parce que Gandhi et Staline sont peut-être aux antipodes l’un de l’autre, mais ils étaient tout aussi convaincus qu’ils faisaient ce qu’il fallait faire.

GEOFF : Shahrzad, vous avez récemment écrit un article dans lequel vous parliez de la nécessité pour nos cadres intellectuels d’incorporer à la fois l’amour et la justice dans la façon dont nous pensons à notre société ; un thème qui, je pense, fait écho à certains des commentaires d’Akaash tout à l’heure. Et c’est quelque chose qui semble être un défi particulier en ce moment pour les raisons dont nous avons discuté ; alors qu’il semble que défendre la justice signifie souvent s’opposer à quelqu’un d’autre.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont une réconciliation plus étroite entre l’amour et la justice peut nous aider à naviguer dans ce processus de réflexion et de reconstruction ?

SHAHRZAD : Oui, c’est une prémisse de nos cadres intellectuels dominants selon laquelle l’amour et la justice divergent de manière importante. Nous pensons que la justice doit être impartiale et universelle. Elle doit être accordée à tous, quelle que soit leur différence ; mais l’amour est considéré comme différent. Le domaine de l’amour et de l’appartenance est considéré comme nécessairement partial et particulier. On pense qu’il est limité par les limites des identités sociales conventionnelles dont nous avons parlé, comme la parenté, la race, la religion, l’ethnicité.

Je pense que cette disjonction dans la façon dont nous pensons à ces deux concepts nous a très mal servis. La réalisation de l’universalité de la justice, le travail désintéressé souvent déchirant — par exemple, la réparation de siècles d’oppression systémique — dépend beaucoup, je pense, de la réalisation également de l’universalité de l’amour. En d’autres termes, les sentiments et les actions que la réalisation d’une véritable justice exige de nous sont beaucoup plus faciles et naturels lorsqu’ils sont motivés par des liens plus profonds de solidarité et d’amour.

Pour faire référence à notre conversation plus tôt, nous le savons grâce à nos vies plus personnelles. Nous savons que l’amour soutient l’action désintéressée. Il nous fait renoncer au confort et aux privilèges. Il nous aide à sentir la souffrance et le fardeau des autres comme s’ils étaient les nôtres. La justice ne peut donc bien sûr pas être partiale, particulière ou préférentielle, mais je pense qu’elle continuera à être en deçà de cet idéal jusqu’à ce que nous libérions aussi, pour ainsi dire, des concepts comme l’amour, l’identité et la solidarité des limites de leur partialité. Et je pense que cela deviendra encore plus vrai à mesure que la pandémie exposera et exacerbera les profondes inégalités et injustices structurelles qui nous entourent.

GEOFF : Eh bien, c’est un excellent point pour nous rapprocher de la fin de notre conversation. Je me demande si l’un d’entre vous a des réflexions finales à nous livrer avant que nous terminions. Akaash, avez-vous des réflexions finales à faire ?

AKAASH : Je dois dire que ce fut une conversation fascinante. Surtout pour moi. Et je dis cela parce que je suis conscient de mes propres lacunes dans cette discussion. Je suis le genre de personne qui, par nature, a toujours fait passer la raison avant la passion. Je me considère comme une personne réfléchie, et je me considère comme quelqu’un qui est capable de prendre des questions très controversées et de les traiter sans passion. Et il peut être difficile pour moi, étant donné ma nature, d’accepter le fait que nous sommes tous des créatures d’émotion avant d’être des créatures de raison. Et que les systèmes et les modèles de ce que nous sommes, qui ne font appel qu’à l’esprit et non au cœur, n’auront jamais aucun intérêt dans notre société.

Mais je pense que, tout comme Shahrzad disait que nous pouvons avoir la justice et l’amour, je pense que nous pouvons avoir des sociétés qui combinent la raison et la passion. Et c’est-à-dire que si nous sommes capables de construire des sociétés qui ne sont pas seulement — qui font appel à notre moi rationnel, à notre admission du fait que nous sommes meilleurs ensemble que séparés et que nous prospérerons davantage si nos voisins prospèrent davantage, plutôt que de perdre si nos voisins prospèrent — je pense que c’est le genre de société qui s’applique à la fois à la raison et à l’émotion, parce que nous devenons alors intellectuellement, émotionnellement, et, oserais-je le dire, spirituellement investis ; non seulement dans cette société, mais dans notre bien-être mutuel.

GEOFF : Merci Akaash. Et Shahrzad, une dernière remarque ?

SHAHRZAD : Bien sûr. Je dirais que — surtout dans le contexte de la série que nous lançons avec cet épisode — ce que j’espère que nous emporterons de l’autre côté de cette pandémie, quelle que soit cette réalité, est un sentiment renouvelé de courage intellectuel.

Comme nous en avons discuté, je pense que cette crise a, d’une part, mis en évidence de manière très vive les limites de nos structures et de nos idées dominantes, et d’autre part, bien sûr, elle nous a également offert une occasion cruciale de repenser fondamentalement certaines de ces idées, hypothèses et structures.

Dans un moment comme celui-ci, je pense qu’il est important de nous rappeler continuellement que tant d’idées et de structures que nous considérons comme allant de soi aujourd’hui ont été formulées et défendues dans un contexte où elles semblaient complètement hors de portée. J’espère donc que nous — et je devrais préciser, quand je dis « nous » ici, je veux dire nous tous, chacun d’entre nous en tant que protagoniste de la société que nous construisons — j’espère que nous avons le courage de nous permettre d’imaginer le monde. Non pas tel qu’il a été, mais tel qu’il pourrait être. De plonger tête première dans l’aventure sociale et intellectuelle qui, je pense, nous attend après cette période très intense de souffrance, d’incertitude et de bouleversement.

N’ayons pas peur. Ayons le courage de libérer nos imaginations et de voir où elles nous mènent.

GEOFF : Je ne pense pas que j’aurais pu inviter des personnes plus perspicaces. Vous avez placé la barre très haut pour nos futurs épisodes. Shahrzad et Akaash, merci beaucoup de vous joindre à nous pour ce premier épisode de notre nouvelle série du Discours public.

SHAHRZAD : Merci Geoff. Ce fut un immense plaisir.

AKAASH : Merci. Cela a été un vrai plaisir.