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La participation des jeunes à la prise de décisions

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La Communauté bahá’íe du Canada est une collectivité confessionnelle qui se voue à l’amélioration de la société. À cette fin, nous travaillons avec des milliers de jeunes de tous âges et de tous milieux pour les aider à développer leurs talents et leurs capacités. Notre expérience nous a permis d’apprendre certaines choses sur le processus d’autonomisation des jeunes et sur leur participation à la vie de la société. Dans le présent document, nous désirons présenter nos observations préliminaires, afin de contribuer à un discours général sur le rôle des jeunes dans la société.


Quelques aspects de l’autonomisation des jeunes concernant le processus décisionnel

En Ontario, dans le contexte du discours public sur le rôle de leadership des jeunes, la discussion sur l’autonomisation des jeunes est souvent liée à l’augmentation de leur participation aux processus de prise de décision. On porte toutefois peu d’attention au besoin de développer les capacités qui leur permettront de le faire. Nous examinerons certaines de ces capacités et comment leur développement peut être encouragé.

Plusieurs mécanismes ont été utilisés pour obtenir que les jeunes participent aux processus décisionnels. Parmi les espaces du secteur public ou privé qui ont été créés pour encourager leur participation, il y a les conseils de jeunes, les médias gérés par des jeunes, les conseils consultatifs de jeunes, et les activités de développement communautaires dirigées par des jeunes. S’il est louable de créer de telles possibilités pour que les jeunes participent à des structures et à des processus de prise de décision, il est aussi essentiel de porter attention à ce qui doit être fait pour les préparer à participer sérieusement à une variété de cadres sociaux de prise de décision. À ce propos, il convient de considérer quelques questions comme : qu’est-ce qui constitue une bonne décision? Quelles sont les capacités nécessaires à la prise de bonnes décisions? Quelles sont les capacités nécessaires à la promotion du bien commun? L’habitude de prendre des décisions favorise-t-elle en soi l’autonomisation des jeunes?

On associe la période de la jeunesse au développement de nouvelles capacités un processus qui incite bien des jeunes à vouloir contribuer à l’amélioration de la société. Si toutefois elles ne sont pas orientées vers une contribution significative au bien public, ces capacités peuvent être manipulées et orientées vers des fins négatives. Quand les jeunes ont la possibilité de manifester leurs pensées et leurs aspirations les plus nobles au service des autres, ils peuvent développer des qualités, des attitudes et des compétences qui leur serviront toute une vie.

Trop souvent, notre conception d’une personne puissante est associée à sa capacité de faire concurrence aux autres, de les dominer et de les manipuler, ou encore simplement à sa capacité de réaliser ses buts personnels et de faire prévaloir ses intérêts. Les enseignements bahá’ís préconisent plutôt que les jeunes développent les « pouvoirs spirituels » qui leur permettront de « détruire les forces de l’erreur et de l’ignorance et de déployer la bannière de l’amitié et de la direction parmi les peuples ». Ces « pouvoirs » sont associés au développement des capacités et des potentialités humaines, qui ne peuvent se manifester complètement que quand elles sont orientées vers l’amélioration de la société. Dans le contexte de ses programmes, la communauté bahá’íe associe donc les concepts de « pouvoir » et d’« autonomisation » à la capacité de coopérer, d’unir et de surmonter les préjugés. Voilà certaines des capacités qui doivent être considérées dans une conversation plus générale sur le leadership des jeunes et sur leur rôle dans les processus décisionnels.

Développer la capacité de prendre part aux processus de prise de décision

Notre approche de l’autonomisation des jeunes a bénéficié d’une réflexion sur les capacités que nous désirons les encourager à acquérir en participant à des activités de construction communautaire. Une de ces capacités est celle d’apprendre à discerner les questions morales sous-jacentes aux choix qu’ils font. Nous avons vu que quand on encourage les jeunes à prendre des décisions sans avoir pu développer cette capacité, ils ont tendance à peser leurs décisions dans la balance de leurs préférences personnelles et de leur expérience. Nous en explorons les implications plus loin. Ce que nous désirons explorer est donc la nature d’un processus éducatif donnant aux jeunes les moyens de prendre en charge leur propre développement et de contribuer au progrès de la société. Comment peut-on cultiver activement ces nobles désirs chez les jeunes? En quoi la capacité de reconnaitre les implications morales des paroles et des actions est-elle pertinente et importante? Comment les encourageons-nous à développer la capacité de faire des choix moraux?

Quand on donne aux jeunes l’occasion de prendre en charge leur propre développement et de contribuer au bien public, le sentiment qu’ils ont d’avoir un but trouve son expression au service de la collectivité. Nous constatons que le processus d’autonomisation doit se soucier de donner aux jeunes les qualités, les attitudes et les compétences dont ils ont besoin pour contribuer au bien commun. Ils doivent, entre autres, apprendre à participer objectivement à des discussions et à coopérer sincèrement. Ces compétences peuvent être considérées comme des outils de prise de décision, mais elles agissent aussi sur le processus décisionnel et le transforment graduellement. Ainsi, au lieu d’être une confrontation à propos des idées d’une personne ou d’un groupe, il devient un processus de délibération commune sur le bien collectif.

Un des concepts essentiels éclairant les efforts de la communauté bahá’íe pour développer la capacité des jeunes à participer aux processus décisionnels est celui de l’exploration de la réalité. Quand les décisions ont une portée collective, il est important qu’ils développent leur capacité de lire leur propre réalité sociale avec une précision croissante. Nous entendons par là que le développement de la capacité analytique exige que l’on identifie les forces constructives aussi bien que destructrices opérant dans son milieu, et que l’on apprenne à distinguer ce qui est vrai de ce qui est faux. Le développement de ces capacités analytiques porte une attention particulière à la propagande, sous toutes ses formes, qui exerce une influence croissante sur les valeurs, les attitudes et les opinions des gens. Les jeunes peuvent mieux contribuer au processus de prise de décision quand ils arrivent à discerner l’influence que les forces sociales exercent sur eux et sur leur milieu.

Un autre concept qui a servi à définir nos efforts à l’égard de la prise de décision collective est celui de la participation. La réalité est infiniment complexe et pour la décrire de façon plus précise et permettre une meilleure prise de décision, il est nécessaire d’obtenir la participation et le point de vue d’un nombre croissant de personnes. Si un processus de prise de décision débute avec un petit nombre de personnes, il ne devrait pas se limiter à ce petit groupe, peu importe les compétences et les bonnes intentions qu’on y trouve. Si l’on veut obtenir la participation d’un nombre croissant de personnes, il faut créer un milieu où on se préoccupe vraiment des autres et où on les respecte. Il faut aussi que les personnes puissent se détacher de leurs propres idées, écouter attentivement les autres et considérer leurs idées sans préjugés, en les pesant à la balance des principes moraux et éthiques. Dans ce contexte, chaque point de vue est apprécié et contribue à enrichir la discussion, mais on doit privilégier une exploration collective de ce qui favorise le bien commun. Nous apprenons donc que le processus d’autonomisation devrait être axé sur la promotion de la justice pour tous plutôt que sur le développement d’une personne ou d’un groupe à l’exclusion des autres.

Quand les jeunes sont en mesure de discerner les forces destructrices qui sont à l’oeuvre dans leur collectivité et l’influence qu’elles exercent sur leurs pensées et leurs actions, ils sont en meilleure position pour leur résister. Un exemple des forces sociales qui influencent les valeurs des jeunes est l’individualisme, qui avance que la liberté est la plus importante de toutes les valeurs sociales. Paradoxalement, la poursuite des désirs personnels est supposée mener à une vie plus agréable, mais elle mène souvent aussi à une solitude, une aliénation et une injustice sociale accrues, car les efforts collectifs sont alors souvent dominés par les personnalités les plus fortes. Alors que les jeunes développent les capacités qui s’éveillent en eux, il est important qu’ils les canalisent dans des efforts en vue du bien commun. À une époque où les citoyens sont consommés par leur propre intérêt et par l’expression débridée de leurs opinions, même le travail accompli au service des autres est pesé à la balance de la satisfaction personnelle. Cette force a une telle influence dans les écoles, les groupes de pairs et la société en général, que quand nous offrons à des jeunes la possibilité de participer à nos programmes, nous entendons souvent des questions dans ce sens (comme « Qu’est-ce que j’en retirerai? »), même de la part ceux qui sont profondément préoccupés par le bien commun.

Dans un climat social et économique imprévisible, il est naturel que les jeunes désirent s’assurer d’utiliser sagement leur temps, et d’investir adéquatement dans leur avenir. Les médias et une variété d’institutions de la société rappellent souvent aux jeunes qu’ils doivent se préoccuper de leur future carrière, et ils n’ont pas tort de le faire. Mais l’expérience nous a montré que quand le désir de promouvoir ses propres intérêts devient si fort que l’idée de servir la collectivité est pesée du point de vue d’un avantage égoïste, il est improbable qu’elle mène à de grands changements, car les gens ne continuent pas à servir les autres quand il devient difficile de le faire. À ce propos, nous pouvons nous demander : qu’est-ce qui motive les jeunes à mesurer l’idée de servir les autres en fonction de l’avantage personnel que cela pourrait comporter? Qu’est-ce qui arrive quand c’est l’intérêt personnel qui motive les jeunes à servir les autres? Quelles différences pourrions-nous observer entre un jeune qui désire servir sa collectivité parce qu’il veut y contribuer et un autre qui est motivé par ses propres intérêts?

Le matérialisme et l’amour de son propre confort sont deux autres exemples de forces qui dominent la conception du progrès dans notre société. Par exemple, les forces matérialistes qui gouvernent la propagande ont créé l’illusion que le bonheur est atteint par l’acquisition de nouveaux produits ou de nouvelles technologies. Comment une telle conviction influence-t-elle notre perception de la puissance et du succès? Comment influence-t-elle notre façon de penser sur ce qui constitue une collectivité forte ou une collectivité dans le besoin? Comment influence-t-elle notre point de vue sur les besoins d’une personne, d’une famille ou d’une communauté? Ce ne sont là que quelques questions qui nous aident à discerner l’influence des forces sociales sur les processus de prise de décision. Nous pouvons voir qu’elle conditionne les gens à réduire leur analyse et leur description de la réalité d’un lieu à ses dimensions matérielles et physiques. Par exemple, bien que le développement d’installations physiques — par la création de jardins et de parcs, par l’acquisition de matériel sportif et d’outils d’art et d’artisanat — est une considération essentielle pour toute collectivité, sa capacité de réaliser ses buts et de les soutenir fait aussi appel à de nombreuses forces positives, comme l’unité, la justice, l’amour et la confiance, qui lient les gens les uns aux autres. Nous cherchons à mieux comprendre les forces constructives qui permettent de cultiver le processus collectif de prise de décision et d’action. Autrement, si la communauté n’a pas atteint un certain niveau d’unité sur la nature de ses besoins, comment lui serat- il possible de réaliser ses buts, et de continuer à progresser?

Notre expérience à travailler avec des milliers de jeunes a prouvé la valeur intrinsèque des efforts pour les aider à assumer une plus grande responsabilité dans les affaires de leur collectivité. Nous sommes d’accord pour dire que les jeunes peuvent acquérir une plus grande autonomie et jouer un rôle de leadership en prenant part au processus décisionnel. Mais, comme nous l’avons dit, encourager les jeunes à prendre part au processus décisionnel, doit s’accompagner d’un processus cohérent de développement de leurs capacités. À cet égard, nous avons encore tous beaucoup à apprendre.


La Communauté bahá’íe du Canada collabore avec un certain nombre de personnes à l’élaboration de contributions à la réflexion sur des questions importantes pour la société.

Ce document présente une réflexion qui aide à éclairer le travail de notre communauté pour participer aux discours publics du Canada. Il ne s’agit pas d’un exposé de position ou d’une déclaration officielle de la Communauté bahá’íe, mais plutôt d’un ensemble de réflexions qui s’appuient sur les enseignements bahá’ís et l’expérience de la communauté alors qu’elle s’efforce de les appliquer à l’amélioration de la société.

Vous pouvez adresser vos propres réflexions ou commentaires sur ce document, en écrivant à affairespubliques@bahai.ca.